Par Amar Ouramdane
Au-delà de la «déferlante» savamment orchestrée par certains cercles médiatiques à propos du roman «peur» de l’auteur Saoudien Oussama Muslim, le Salon international du livre d’Alger(SILA), recèle des «pépites», qui traitent d’un tout autre «roman», celui du «roman national» et historique.
Ainsi, Hadj Ali Mustapha, s’est affirmé au fil des années, comme étant une référence dans l’écriture de l’histoire des déportations d’Algériens durant la période coloniale, vers les départements français d’outre mer, notamment Cayenne et la Nouvelle Calédonie.
Des ouvrages et une histoire
En effet, Il est l’auteur de plusieurs ouvrages relatant cette époque ponctuée par de multiples insurrections populaires à travers toute l’Algérie, notamment celle d’El Mokrani en 1871 en Algérie pour laquelle il a consacré tout un ouvrage. Parmi ses écrits, on citera «les bagnards algériens de Cayenne édité en 2018», puis «les Algériens de la Nouvelle Calédonie, l’insurrection de 1871 en 2019», «Des révoltes populaires aux déportations en 2020», «Prisons et camps d’Algérie , 1955-1962». Ces ouvrages d’histoire ont été couronnés par un roman intitulé l’évadé de Cayenne », en 2024.
L’auteur de cette série d’ouvrages vient de proposer aux lecteurs et aux férus de connaître mieux les exactions du colonialisme français un autre ouvrage portant le titre «les convoyeurs algériens dans la campagne de Madagascar 1895» , aux éditions El-Amel. D’ailleurs, cet écrivain est présent au Sila, où il expose ce fonds historique ô combien précieux quand on sait que peu d’historiens ont pu livrer aux lecteurs certains faits sur cette période presque oubliée.
Un livre et des projets
Mustapha Hadj Ali ne cesse de le répéter : «je ne suis pas un historien. Si je m’intéresse à cette période précise, c’est parce que je garde des souvenirs et des faits racontés par mes parents au sujet de ces déportés dont certains sont issus de mon village Ath Bouadou et dans toute la Kabylie. Dès que j’ai commencé à faire des recherches sur ce sujet, mes horizons et ma passion sont aiguisés « . Au Sila, il animera une conférence pour présenter notamment son dernier ouvrage. À noter que des cinéastes et des traducteurs dans de différentes langues l’approchent. Dernièrement, il a été même invité à l’ambassade d’Iran pour discuter de la traduction de ces ouvrages en Persan.
Ces «bêtes» de corvée…
Dans, «Les convoyeurs Algériens dans la campagne de Madagascar 1895», un ouvrage de 160 pages, l’auteur dit traiter un sujet inédit. «Il s’agit de ces convoyeurs algériens enrôlés, au nombre de 5700, kabyles en majorité dans la campagne de Madagascar 1895 menée par la France coloniale» ,écrit-il dans la quatrième couverture de cet ouvrage. Il explique qu’en plus de ces hommes, 4000 mulets de réquisition étaient aussi de ce voyage périlleux sans compter l’artillerie .
« Leur rôle une fois dans l’Île au sol rougeâtre était la conduite de ces bêtes attelées chacune à un chariot hippomobile appelé : voiture Lefebre. Ils devaient acheminer depuis Majunga ( port de débarquement) jusqu’à Tananarive ( 600 km) , l’artillerie, les équipements, le ravitaillement et les médicaments. La campagne dura neuf longs mois dans cette grande île au climat tropical. La chaleur, l’épuisement, les maladies firent que 2344 convoyeurs étaient portés morts ou disparus à la fin de la campagne», resume-t-il cette périlleuse conquête dont la plupart moururent de maladie, de fatigue et de traitements inhumains.
Une «campagne» meurtrière!
Il a scindé cet opus en dix chapitres : présentation de l’île, prémices de l’invasion de 1895, le corps expéditionnaire, le transport du corps expéditionnaire, l’arrivée à Majunga, opérations de la campagne, l’état sanitaire, l’ultime étape : Andriba-Tananarive, rapatriements et convoyeurs restés dans l’île.
Pour clore ce passionnant ouvrage, il dresse une conclusion succincte en déduisant que la campagne de Madagascar fut présentée comme la plus meurtrière que connut la France jusque-là car elle ne l’était pas du point de vue militaire mais plutôt sanitaire. L’écrivain donne des chiffres prouvant à plus d’un égard, ce qu’il vient de livrer comme bilan de cette conquête. Ainsi, écrit-il, à la fin de la campagne, voici quelques statistiques au sujet de la mortalité : artillerie : 28%, génie : 25%, cavalerie: 20%, 200° ligne: 20%, infanterie Marine : 03, 72% et légion étrangère : 03,40%.
En chiffres, il ajoute que 591 décès ont été enregistrés sur 2400 du régime de tirailleurs, convoyeurs algériens et somaliens : 1143 sur 7000. Parmi, les revenants, souligne-t-il, plus d’un millier avaient contracté des maladies tropicales. Mustapha Hadj Ali met entre les mains du lecteur des ouvrages bien documentés grâce à ses recherches et aux témoignages des acteurs de cette invasion.
L’auteur est né le 15 octobre 1961 à Ath Bouadou en Grande Kabylie. Il est, donc, l’auteur des ouvrages précités qui relatent l’histoire des déportés vers les bagnes coloniaux français d’Outre Mer mais aussi dans les dépôts insulaires de la France métropolitaine telles que l’île Sainte Marguerite, Calvi, Corte, Sète, Fort Brescou, Toulon et l’Île de Ré. Cet écrivain compte poursuivre ce chemin de l’écriture d’autres ouvrages qui seront consacrés à la guerre de libération nationale ( 1954- 1962).