Parkinson en Algérie: Ça commence à partir 40 ans!

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Par Mounia Hammoud

La maladie de Parkinson est une pathologie neurodégénérative qui entraîne des taux élevés d’invalidité et nécessite des soins constants.

En plus des symptômes moteurs, de nombreux patients développent une démence, ce qui complique davantage la prise en charge de cette maladie. En moyenne, l’âge des individus atteints par cette maladie est de 75 à 80 ans.

Néanmoins, cette pathologie, qui entraîne entre autres une rigidité des muscles, touche de plus en plus de jeunes quadragénaires.

Un 1/4 des patients ont moins de 60 ans

À Oran, l’Établissement hospitalier universitaire (EHU) 1er Novembre fait face à une augmentation de nouveaux cas de cette maladie, avec une moyenne de 20 nouveaux cas enregistrés chaque mois, dont plus de 25 % sont des patients de moins de 60 ans. C’est ce qui a été révélé hier vendredi 21 juin 2024, lors des travaux de la Journée internationale dédiée à la maladie de Parkinson et aux troubles du mouvement.

En effet, la maladie de Parkinson, souvent due à des facteurs génétiques et environnementaux, est en augmentation, notamment chez les jeunes. Les études montrent qu’environ 15 % des cas chez les jeunes sont d’origine génétique. En plus de la pollution de l’environnement, les recherches récentes pointent aussi vers la protéine α-synucléine et un possible lien entre le microbiote intestinal et le cerveau.

Les mariages consanguins mis à l’index

Pour le Pr Mustapha Ben Mahjoub, spécialiste en neurologie, « Les causes de la maladie de Parkinson restent inconnues à ce jour, mais il existe des facteurs génétiques et environnementaux, comme l’exposition importante à plusieurs polluants, qui augmentent la susceptibilité ». Il ajoute : « En Algérie, au lendemain de l’indépendance, l’espérance de vie était de 55 à 60 ans. Actuellement, elle est de 75 ans, et environ 3 millions de personnes ont 75 ans et plus. Cette augmentation de l’espérance de vie a entraîné aussi une hausse du nombre de cas de Parkinson. Cependant, cette maladie se retrouve également chez les jeunes, notamment en raison de la consanguinité, qui est très élevée en Algérie. Une étude menée à Blida a révélé des cas de début précoce chez des personnes âgées de 20 à 21 ans. Les jeunes malades représentent 25 % du taux global des patients atteints de Parkinson, et le principal facteur est le mariage consanguin ».

Le Pr Ben Mahjoub a aussi souligné : « En ce qui concerne le traitement, il y a 20 ans, le traitement de base était la dopathérapie. Aujourd’hui, d’autres traitements émergent. Qu’il s’agisse de la dopathérapie ou d’autres médicaments, le traitement est symptomatique et non curatif, qu’il soit médical ou chirurgical. En Algérie, la chirurgie pour les malades de Parkinson commence aussi à être pratiquée à Oran et à Alger, ainsi que dans quelques cliniques privées qui ont déjà réalisé certaines interventions. Le but du traitement et même de la chirurgie est d’améliorer la qualité de vie du patient et non de guérir la maladie. Chaque étape de la maladie nécessite un traitement et une prise en charge adéquate, d’où l’importance d’un dépistage précoce », a-t-il conclu.

Des signes qui ne trompent pas…

De son côté, le Pr Philippe Rémy, neurologue au Centre Expert Parkinson Henri Mondor en France, souligne un tournant majeur dans les traitements visant à ralentir l’évolution de la maladie de Parkinson. « En effet, dès les premiers stades de la maladie, les patients perdent environ la moitié de leurs neurones à dopamine ; c’est ce qu’on appelle la dégénérescence progressive des neurones dopaminergiques. Depuis longtemps, les spécialistes cherchent à ralentir cette progression. L’objectif est donc de préserver la moitié restante.”, expliquera ce spécialiste.

Et d’enchaîner sur les traitements et les signes avant-coureurs de cette maladie “Ces dernières années, des essais cliniques ont été menés avec des traitements qui commencent à montrer des résultats prometteurs. Certains de ces traitements incluent des médicaments repositionnés, tels que des antidiabétiques, ou des médicaments ciblant les dépôts protéiques anormaux observés dans la maladie de Parkinson. L’objectif actuel est de détecter la maladie à un stade très précoce afin de pouvoir administrer ces médicaments ou des combinaisons de médicaments capables de ralentir la progression de la maladie. Le défi réside dans le dépistage précoce. Pour cela, les chercheurs s’efforcent d’identifier des signes avant-coureurs de la maladie, même avant que les symptômes classiques ne soient détectés par un neurologue”, soulignera le Pr Rémy.

Ce spécialiste, égrènera par la suite, les symptômes qui peuvent alerter les malades potentiels. “Parmi ces signes, on trouve la perte de l’odorat, des mouvements anormaux pendant le sommeil, la constipation, et d’autres détectés par certaines techniques d’imagerie. Ces méthodes permettraient de détecter la maladie bien avant l’apparition des symptômes moteurs typiques, offrant ainsi une opportunité de protéger les neurones à dopamine grâce aux traitements en cours de développement. L’avenir de la prise en charge de la maladie de Parkinson est prometteur, à condition de pouvoir accéder aux traitements, qui seront probablement coûteux au début. Ces perspectives à long terme sont très encourageantes et ouvrent la voie à des avancées significatives dans la lutte contre cette maladie », a-t-il précisé.

5 000 cas recensés par l’EHU d’Oran depuis 2015

Le Dr Bouchtara Sofiane, spécialiste en neurologie à l’EHU 1er Novembre d’Oran, a révélé que son service a pris en charge plus de 5 000 cas de Parkinson depuis son ouverture en 2015. Il a souligné que le nombre de cas ne cesse d’augmenter, notamment chez les jeunes de moins de 40 ans.

Le Dr. Bouchetara a souligné que l’âge moyen des patients atteints de Parkinson varie désormais de 35 à 70 ans, reflétant une tendance plus large qu’auparavant observée, attribuant cette augmentation à divers facteurs tels que des prédispositions génétiques, des habitudes alimentaires inadéquates, la sédentarité et d’autres causes potentielles encore mal définies. Il  a souligné l’engagement continu de l’EHU à fournir des traitements efficaces et à améliorer les services médicaux destinés aux patients atteints de Parkinson, dans l’objectif d’améliorer leur qualité de vie malgré les défis posés par cette maladie neurodégénérative. En outre, il a indiqué que trois opérations chirurgicales ont récemment été réalisées à Oran avec succès.

Bien que ces interventions ne conviennent pas à tous les patients, elles sont effectuées selon des critères spécifiques et des méthodes développées pour garantir une efficacité et une réussite optimales. Il a ajouté que l’implantation de dispositifs de stimulation cérébrale pour les cas où la maladie a progressé et où les traitements médicaux ne sont plus efficaces, réduit les symptômes et les complications de la maladie de Parkinson de 50 %.

La sensibilisation encore et toujours!

Le Dr Bouchtara a ajouté que cette journée est une occasion de partager des informations, des mises à jour médicales, des traitements cliniques et des médicaments concernant cette maladie qui touche désormais toutes les tranches d’âge. Il a insisté sur l’importance de la sensibilisation pour le diagnostic de la maladie de Parkinson. Le diagnostic clinique et la prescription de médicaments ne suffisent pas à eux seuls pour traiter la maladie ; des méthodes préventives et un dépistage précoce sont essentiels. L’exercice physique et une bonne nutrition jouent un rôle crucial dans la prévention de l’apparition précoce de cette maladie.

Notons que cette Journée internationale dédiée à la maladie de Parkinson et aux troubles du mouvement a été organisée en collaboration avec la Faculté de Médecine de l’Université d’Oran et l’Association Algérienne de Neurologie .

L’événement a rassemblé des spécialistes en neurologie, neurochirurgie, réanimation médicale, physiothérapie, diététique et psychologie, venus de divers hôpitaux algériens ainsi que de l’Hôpital Henri Mondor en France. La journée a également été marquée par un hommage au regretté Dr. Idir Mohamed, une figure éminente de la neurologie dont les contributions ont profondément marqué le domaine.

M.H.

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