Sur le port d’Alger, à l’aube, les grues s’affairent autour de conteneurs remplis d’engrais, d’acier et de dattes. Une scène qui contraste avec celle d’il y a dix ans, lorsque près de 90 % des cargaisons étaient constituées de pétrole et de gaz.
Longtemps tributaire des hydrocarbures, l’Algérie s’engage résolument dans une diversification économique ambitieuse. Alors que les revenus pétroliers représentaient historiquement plus de 90 % de ses exportations, le pays multiplie les réformes pour réduire cette dépendance et attirer les investisseurs étrangers.
Les premiers résultats sont tangibles : selon la Banque mondiale, les exportations hors hydrocarbures ont triplé depuis 2017, atteignant 5,1 milliards de dollars en 2023, soit 2 % du PIB.
Une modernisation portuaire accélérée
Au cœur de cette transformation, le Système communautaire portuaire algérien (APCS), lancé en 2021 avec l’appui de la Banque mondiale, a révolutionné les échanges commerciaux. Cette plateforme numérique relie douanes, transporteurs et exportateurs, réduisant considérablement les délais de dédouanement.
« L’APCS marque un tournant pour le commerce algérien. Il montre comment des réformes ciblées peuvent avoir un impact majeur », souligne Meriem Ait Ali Slimane, économiste principale à la Banque mondiale.
Des missions d’étude dans des ports comme celui de Barcelone ont permis d’adopter les meilleures pratiques, tandis qu’un cadre juridique renforcé sécurise les transactions.
Une nouvelle loi pour attirer les investisseurs
La loi sur l’investissement de 2022 constitue un autre pilier de cette stratégie. Elle offre des incitations fiscales, des exonérations douanières et simplifie les démarches administratives via l’Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement (AAPI). Cette dernière a mis en place une plateforme en ligne pour faciliter l’accès des investisseurs aux informations et aux terrains industriels.
« L’Algérie a un potentiel énorme pour intégrer les chaînes de valeur mondiales, mais elle doit lever les barrières structurelles », estime Kamel Braham, représentant résident de la Banque mondiale.
L’agriculture et l’industrie en plein essor
Le secteur agricole enregistre des progrès notables, notamment dans l’exportation de produits frais. Une initiative soutenue par la Banque mondiale a permis de collecter 800 000 peaux de mouton en 2018, relançant la filière cuir. Dans l’industrie, des efforts ciblent des niches comme le liège et la mécanique de précision, avec des formations et des voyages d’étude pour renforcer les compétences locales.
Par ailleurs, l’Organisme Algérien d’Accréditation (ALGERAC) a accru son rôle, avec 135 laboratoires certifiés en 2024 contre 77 en 2021. Une avancée cruciale pour aligner les normes algériennes sur les standards internationaux.
Les défis à relever
Malgré ces avancées, des obstacles persistent : bureaucratie, faible productivité et dépendance persistante aux secteurs carbonés (engrais, ciment). Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) pourrait pénaliser ces exportations. Pour y faire face, la Banque mondiale recommande :
- Une tarification du carbone
- La diversification des marchés
- Le développement des énergies renouvelables et des technologies vertes
Un nouveau chapitre s’ouvre
Alors que le soleil se lève sur Alger, les conteneurs chargés d’acier, de ciment et de produits agricoles symbolisent une économie en mutation. La route vers la diversification reste longue, mais les fondations sont posées.