L’Algérie s’engage progressivement dans l’ère de la bio-informatique et des sciences OMICS, des domaines qui transforment la recherche et l’innovation à l’échelle mondiale.Ainsi et lors de la 2e Conférence Internationale sur la Bio-informatique (2ICB’24), 14 experts internationaux de renom, issus d’institutions prestigieuses telles que Weill Cornell Médicine, Harvard, le MIT (États-Unis), l’Université libre de Bruxelles (Belgique), ainsi que des centres de recherche au Royaume-Uni, en France, au Bahreïn, au Sénégal et en Tunisie, ont partagé leurs travaux.
En outre, des chercheurs algériens, notamment de l’Institut Pasteur et de l’École Nationale Supérieure Agronomique, ont également pris part à cet événement scientifique majeur. Parmi eux, le chercheur Mohammed Gagaoua, membre de l’équipe Alimentation, Environnement et Qualité des Produits pour les Systèmes d’Élevage de Monogastriques à l’INRAE en France.
Dans cet entretien, accordé à JUST-INFODZ, ce spécialiste de renom, a partagé des « réflexions clés » sur les impacts, les défis et les opportunités liés à ces disciplines en plein essor.
Entretien réalisé par Chiraz KHERRI
JUST-INFODZ : Quel est l’impact actuel de la bio-informatique en Algérie?
Mohammed Gagaoua : Il est aujourd’hui très difficile d’évaluer l’impact de la bio-informatique et des approches omiques. En effet, il s’agit d’outils utilisés à la fois dans l’enseignement et la recherche scientifique. L’interrogation de la base de données bibliographique Scopus avec les mots clés « bioinformatic OR omic OR bio-informatic OR « computational biology » » identifie 70 travaux scientifiques indexés avec une évolution croissante ces 5 dernières années. Ceci dénote que l’application de ses disciplines se développe positivement. Il est néanmoins important de noter que plusieurs équipes et laboratoires se forment en bio-informatique et les appliquent dans le cadre de leurs travaux de recherches que ce soit pour les masters ou les thèses de doctorat.
Quelles sont les opportunités et défis pour son développement?
Effectivement les omiques accompagnées par de la bio-informatique, les biostatistiques et l’IA sont une opportunité majeure pour l’Algérie, tant pour la recherche scientifique que pour les applications en santé, agriculture et industrie.
Pour la santé de l’homme, des plantes ou des animaux, ces outils permettront de mieux comprendre le développement de plusieurs maladies génétiques, infectieuses et chroniques. L’identification des prédispositions génétiques spécifiques à la population algérienne pourrait permettre de développer des stratégies de prévention plus ciblées et des traitements personnalisés. De la même façon, l’identification des biomarqueurs dans le cadre des productions animales, permettrait de développer des espèces plus résilientes tout en répondant aux attentes de durabilité de production et qualité des produits animaux.
Ces outils, sont aussi très attendus pour la sauvegarde de la biodiversité végétale et microbienne Algériennes. Les technologies OMICS permettent d’étudier cette biodiversité pour découvrir des biomolécules d’intérêt, par exemple, en pharmacologie, en cosmétique, ou en agriculture (plantes résistantes, molécules anti-pathogènes, etc.).
Plus encore, la caractérisation génétique des espèces endémiques pourrait aider à préserver et valoriser le patrimoine génétique local pour garantir la sécurité alimentaire et préserver l’environnement face aux changements climatiques.
Pour parvenir à ces multiples opportunités, il faut lever un certain nombre de défis comme…
Mohammed Gagaoua,
Ces opportunités peuvent être renforcées par ce type de séminaires scientifiques et les collaborations internationales qu’elles permettent. Ainsi, la formation des étudaints, enseignants et chercheurs spécialisés pourrait permettre à l’Algérie de contribuer au montage de projets internationaux.
Cependant, et pour parvenir à ces multiples opportunités, il faut lever un certain nombre de défis comme la mise en place d’infrastructures technologiques et de ressources informatiques, le renforcement et la mise en place de programmes de formations dédiés aux outils omiques à l’étranger ou en place via des processus de transferts de connaissances et compétences, la mise en place d’une vision stratégique, des programmes de financement stables et la création d’incitations pour les projets en biotechnologie et bioinformatique, iv) facilité l’accès aux bases de données et ressources internationales tout en veillant à la conformité réglementaire et protection des données.
En quoi cette conférence peut-elle contribuer à renforcer la place de l’Algérie dans la recherche scientifique et technologique en bio-informatique à l’échelle régionale et internationale ?
L’identification de biomarqueurs pouvant maitriser la qualité des produits est vue comme étant une stratégie innovante pour développer des produits économiquement viables et acceptables par les consommateurs.
Mohammed Gagaoua,
Cette conférence rentre dans le cadre des opportunités permettant de lever plusieurs défis en termes de transferts de connaissances et contacts avec des experts internationaux. Par exemple, les travaux que je présenterai autour de la protéomique et ses applications pour la caractérisation des produits animaux (viande), serait une introduction importante pour les participants à ce domaine très important visant la maitrise de la qualité des produits.
En effet, l’identification de biomarqueurs pouvant maitriser la qualité des produits est vue comme étant une stratégie innovante pour développer des produits économiquement viables et acceptables par les consommateurs. La protéomique permet d’identifier des biomarqueurs, les caractériser et de les évaluer pour leur utilisation industrielle.
Il y a un fort intérêt en Algérie pour développer la filière viande afin de subvenir aux besoins des consommateurs. Ces approches à haut débits sont une des méthodes permettant d’augmenter la rentabilité de la filière tout en sécurisant des produits de haute qualité.
Quelles collaborations entre chercheurs, universités et industries pourraient selon vous accélérer le développement de la bio-informatique en Algérie ?
Le montage de projets de recherches est la collaboration gagnante-gagnante qui pourrait accélérer l’appropriation de ces outils tout en améliorant les compétences et connaissances des utilisateurs.
Quel serait, selon vous, le rôle des institutions algériennes pour encourager et soutenir les jeunes chercheurs dans le domaine des sciences OMICS et de la bio-informatique ?
Le principal rôle est d’accompagner financièrement le développement de projets d’envergure tout en veillant à la mise en place des infrastructures omiques et développement des compétences en bio-informatiques et biostatistiques. L’accompagnement pour le développement de bases de données et leur gestion serait aussi très attendus.
C.K