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Diplomatie: Tebboune met les points sur les « i »

Dans un entretien approfondi accordé au journal français L’Opinion, le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a livré sa vision des grandes orientations diplomatiques de l’Algérie.

À travers cet échange, il est revenu notamment sur les relations algéro-américaines, tout en développant les perspectives de partenariat stratégique avec la Chine et en abordant plusieurs dossiers cruciaux de la scène internationale.

Des relations « historiques » et « solides » avec Washington

En effet, le président a rappelé que les relations entre l’Algérie et les États-Unis ont toujours été bonnes, indépendamment de l’orientation politique des différents présidents américains, qu’ils soient Républicains ou Démocrates. Il a souligné l’attention immédiate portée par Donald Trump à son élection en 2019, contrastant avec la réaction plus tardive d’autres chefs d’État, comme Emmanuel Macron qui a pris 4 jours pour prendre acte du scrutin. Il a également rappelé le rôle historique des États-Unis dans le soutien à la question algérienne à l’ONU ainsi que les liens éducatifs et industriels entre les deux nations, notamment dans le domaine des hydrocarbures. « Nous n’oublierons jamais, non plus, que les Etats-Unis ont introduit la question algérienne à l’ONU. Ils accueillent aussi nos meilleurs chercheurs. C’est le seul pays qui a une ville du nom de notre héros national, l’émir Abdel Kader. Nos plus grands projets sous les présidents Boumediene, Chadli et Bouteflika ont été réalisés avec les Américains, dans les hydrocarbures et ailleurs » a-t-il expliqué. Ces réponses, laissent entrevoir un rapprochement plus important avec les USA.

La gestion des expulsions d’Algériens en situation irrégulière

Un sujet sensible a été abordé : l’expulsion de 306 Algériens en situation irrégulière aux États-Unis. L’Algérie a accepté selon le président cette demande en raison de sa légalité, tout en soulignant que la politique migratoire de Donald Trump ne ciblait pas spécifiquement les Algériens. Cette approche se distingue de certaines politiques européennes, notamment en France qui fait dans la discrimination systématique envers l’immigration maghrébine et musulmane.

La question palestinienne et les divergences de vue avec Trump

Toutefois, le président a exprimé son désaccord avec certaines positions de Donald Trump sur le la question palestinienne, notamment l’idée controversée de « nettoyer Gaza de sa population ». Il a rappelé l’engagement constant de l’Algérie en faveur de la reconnaissance de l’État palestinien et a critiqué les contradictions de la communauté internationale, qui condamne certaines annexions tout en tolérant d’autres, comme celles du Golan ou du Sahara occidental.

Une normalisation avec Israël ?

Concernant une éventuelle normalisation des relations avec Israël, le président a clairement exprimé son engagement en faveur de la création d’un État Palestinien, en prenant une décision pragmatique. Il déclare : « Bien sûr, le jour même où il y aura un Etat palestinien. Ça va dans le sens de l’histoire ».  Il a également rappelé que ses prédécesseurs, les présidents Chadli et Bouteflika, avaient déjà laissé entendre qu’ils n’avaient « aucun problème avec Israël », mais que « notre seule préoccupation, c’est la création de l’Etat palestinien ».

L’axe stratégique avec Pékin

En matière de coopération économique, la Chine demeure un partenaire incontournable pour l’Algérie. Le président a mis en avant la diversification des investissements chinois, qui ne se limitent plus à la construction de logements mais englobent désormais des secteurs stratégiques tels que les nouvelles technologies, l’électronique et les batteries au lithium. Dans ce contexte, le président a souligné : « Ils sont venus au début pour construire des logements au grand dam des groupes français comme Bouygues qui lorgnaient le marché de la Grande mosquée d’Alger. Les Chinois ont proposé les meilleures offres, les délais les plus courts. Nous sommes satisfaits de leurs prestations ». Et sur le plan politique, le président a rappelé le soutien historique de la Chine à la guerre de libération algérienne, notamment sa réception du gouvernement provisoire de la République Algérienne ainsi que son aide avec l’Indonésie pour introduire l’Algérie à la conférence des non-alignés de Bandung. M.Tebboune n’a pas omis de mettre en relief le rôle joué par Alger dans la reconnaissance de la Chine populaire aux Nations unies.

Le dossier Ukrainien

Le président a abordé plusieurs autres questions internationales, notamment la situation en Syrie et la tentative d’Alger de favoriser le dialogue entre Bachar el-Assad et l’opposition. Concernant l’Ukraine, il a souligné la position algérienne prônant le respect de l’intégrité territoriale tout en critiquant le « double standard » appliqué par certaines puissances occidentales. Dans ce sillage, il a indiqué « l’Algérie est entière. Elle a du mal à comprendre le double standard. Il faudrait condamner l’intervention en Ukraine, mais pas l’annexion du Golan ou du Sahara occidental… Quand je suis allé voir Vladimir Poutine en Russie en juin 2023, Emmanuel Macron m’a dit de voir si je ne pouvais tenter quelque chose pour la paix. Le président russe m’a aussi donné son feu vert. Il était prêt à dialoguer, mais Volodymyr Zelensky n’a pas répondu ».

Le Sahel et les accusations du Mali

Sur la situation au Sahel et les coups d’État qui y ont lieu, le président a souligné que cette dynamique était « prévisible », mettant en cause l’incapacité de nombreux pays africains à bâtir des institutions solides. Abordant les accusations portées par la junte malienne contre l’Algérie et la France, le président a démenti fermement toute ingérence, qualifiant ces accusations d’ « aberrantes », tout en précisant « nous avons permis la conclusion de l’Accord de paix d’Alger que le pouvoir malien a dénoncé l’année dernière. Nous avions même un plan de développement pour le nord du Mali à hauteur de plusieurs millions de dollars ».

Wagner et Kais Saied

Sur la question de la présence de mercenaires à la frontière sud de l’Algérie, il a exprimé son désaveu, soulignant : « Nous avons seulement du mal à accepter la présence de groupes paramilitaires comme Wagner à notre frontière. Nous l’avons d’ailleurs dit à nos amis russes ».

Au sujet de la Tunisie, le président a défendu les réformes entreprises par le président tunisien Kaïs Saïed, qu’il qualifie de « frère, un universitaire reconnu, populaire, qui continue à aller faire ses courses au marché » tout en affirmant que « la révolution du Jasmin […] a bloqué toutes les initiatives de Kaïs Saïed » mais qu’il a « restauré le régime présidentiel qu’a connu la Tunisie depuis son indépendance ». Il a également évoqué la situation économique difficile du pays, qui se limite uniquement à un endettement et une croissance faible. Dans ce sillage, il a affirmé « nous l’aidons autant que l’on peut parce que c’est un excellent voisin… C’est un pays dont la population est très instruite, fière de ses traditions. Il mérite d’être soutenu, le temps de passer cette conjoncture difficile ».

Sahara Occidentale et Maroc

Dans cet entretien, le président a aussi réaffirmé sa position sur le dossier du Sahara Occidental, en réitérant le soutien indéfectible de l’Algérie à la République arabe sahraouie démocratique (RASD), malgré la perte de certains soutiens internationaux. « Rien n’est immuable. L’indépendance de l’Algérie a été obtenue après cent trente ans de combat », a-t-il rappelé. Dans ce sillage, il a livré une petite leçon d’histoire : « le roi Hassan II voulait régler le problème du Sahara occidental juste avant sa mort en juillet 1999. Il avait d’ailleurs confié au président congolais, Denis Sassou Nguesso : Je ne laisserai pas cet héritage à mes enfants !. Mais Mohammed VI ne l’a pas suivi, hélas… ».

En réponse à la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc, il a réitéré que cette situation était une réaction aux actions jugées hostiles de la part du voisin marocain. « C’est presque un jeu d’échecs où nous sommes contraints de répondre à des actes que nous jugeons hostiles » a-t-il expliqué en précisant « le Maroc a été le premier à vouloir porter atteinte à l’intégrité de l’Algérie avec son agression en 1963, neuf mois après notre indépendance »,  ajoutant que cette rupture « n’est pas une situation durable » et que « le Maroc a toujours eu des visées expansionnistes ».

Là encore, le Président est revenu sur un épisode important des relations algéro-marocaines : « c’est encore les autorités Marocaines qui ont imposé le visa aux ressortissants algériens en 1994 après les attentats de Marrakech » en révélant « nous leur avons récemment interdit le survol de notre espace aérien parce qu’ils réalisent des exercices militaires conjoints avec l’armée israélienne à notre frontière, ce qui est contraire à la politique de bon voisinage que nous avons toujours essayé de maintenir ».  En conclusion, il a précisé que l’Algérie « ne souhaite que le meilleur » pour le peuple marocain.

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