Alors que le roi du Maroc, Mohammed VI, adressait ce mardi soir un discours empreint d’amabilités à l’endroit de l’Algérie, à l’occasion du 26ᵉ anniversaire de son accession au trône, les rouages médiatiques du palais royal poursuivaient, sans relâche, une campagne féroce contre la mémoire nationale algérienne.
Un contraste révélateur d’une diplomatie marocaine fondée sur le double discours et la duplicité assumée.
Une guerre de mémoire planifiée
En effet, dans une allocution solennelle, le roi marocain a évoqué sa volonté de renforcer les liens de bon voisinage avec l’Algérie, qualifiant son peuple de « frère » et soulignant un « destin commun ». Des propos apaisants en apparence, mais qui peinent à dissimuler la virulence des offensives menées en coulisses contre les fondements historiques de l’État algérien.
En parallèle des appels à la réconciliation, le régime chérifien s’adonne à une guerre sourde contre l’un des piliers de l’identité algérienne : la mémoire de la Révolution. Cette attaque informationnelle est orchestrée par des relais médiatiques proches du palais, au premier rang desquels figure le site Le360, propriété de Mounir Majidi, bras droit du roi et maître d’œuvre de cette stratégie médiatique.
Le dernier coup d’éclat de cette offensive ciblée remonte au 29 juillet 2025, avec la publication d’un article signé Bernard Lugan — pseudo-historien français, habitué des cercles d’extrême droite — dans lequel il remet en cause le Congrès de la Soummam, pierre angulaire de l’organisation de la lutte de libération nationale algérienne. Reprenant les vieilles ficelles de la propagande coloniale, Lugan insinue que les chefs de la Révolution auraient été impliqués dans des règlements de comptes sanglants. Un révisionnisme historique qui vise à fragiliser les symboles de la souveraineté algérienne.
Benjamin Stora pris pour cible
Mais la guerre mémorielle ne s’arrête pas là. Le régime marocain s’en prend également à des personnalités respectées dans le débat historique, à l’image de l’historien français Benjamin Stora. Ce dernier est devenu la cible d’une campagne de dénigrement violente orchestrée par Le360, après avoir contredit les thèses expansionnistes marocaines sur certaines régions de l’Ouest algérien.
Le site n’a pas hésité à qualifier Stora de « derviche au service de l’Algérie » et de « fossoyeur de la réconciliation », des attaques qui rappellent les méthodes inquisitoriales d’un pouvoir monarchique intolérant à la contradiction. Son tort ? Avoir rappelé que des villes comme Tlemcen et Mascara, présentées par certains comme marocaines, notamment Boualem Sansal, sont au contraire des bastions de l’histoire algérienne, terres natales de figures emblématiques comme l’émir Abdelkader ou Messali Hadj.
Boualem Sansal, le « dissident utile »
Dans cette guerre symbolique, Boualem Sansal joue le rôle du « dissident utile ». En reprenant les narratifs marocains sur l’histoire et les frontières, en niant l’intégrité territoriale de son propre pays, l’écrivain devient un levier pour un régime en quête de validation externe. Son discours trouve un écho dans les médias liés au palais, qui exploitaient ses sorties pour légitimer leur offensive contre le récit national algérien.
Une duplicité de plus en plus visible
Ce décalage entre le ton feutré des discours royaux et l’agressivité des manœuvres médiatiques n’est pas anecdotique. Il s’inscrit dans une stratégie méthodique de double langage : afficher une image pacifique et progressiste à destination des partenaires occidentaux, tout en attaquant frontalement l’Algérie sur le terrain symbolique et identitaire. Une méthode de plus en plus lisible, à mesure que le régime marocain s’enlise dans ses ambitions hégémoniques régionales.
Il est utile de rappeller que la paix ne se décrète pas dans un discours annuel : elle se construit sur la vérité, la mémoire respectée, et la fin des campagnes hostiles. En l’état actuel, le contraste entre les mots du roi et les actes de son entourage laisse peu de place à l’illusion.