Salim Bensdira, figure emblématique du théâtre algérien, revient sur scène avec une pièce poignante, H’bali (Ma Folie), adaptée du texte d’Ismaël Aït Djafar : “La Complainte des mendiants arabes de la Casbah et de la petite Yasmina tuée par son père”.
Ce poème, qualifié par Kateb Yacine de « long cri de douleur », est bien plus qu’un récit : c’est une dénonciation violente de l’oppression coloniale et une ode à la révolte.
Aujourd’hui, cette œuvre résonne encore avec une force particulière, portée à la scène par Salim Bensdira dans H’bali (Ma Folie). À travers cette pièce, Bensdira ravive la mémoire collective et interroge les thèmes universels de l’injustice, de la misère et de la résistance.
La découverte d’un texte poignant
Salim Bensdira explique que la découverte du texte d’Ismaël Aït Djafar remonte aux années 1990, lorsqu’il et ses compagnons de la coopérative « Les compagnons de Nedjma » ont été marqués par la préface de Kateb Yacine, intitulée « Les fruits de la colère ». « Ce long et douloureux poème, tiré d’une histoire vraie, nous a touchés par sa force et sa sensibilité », confie-t-il.
La première adaptation théâtrale de ce texte a été réalisée en 2003 par la compagnie « The-atre » d’Alger, suivie d’une collaboration avec la compagnie française « Puzzle » de Nantes. « Nous avons pris quelques libertés avec le poème, en y intégrant des passages de Kateb Yacine et de Maxime Gorki, pour enrichir le récit », précise Bensdira.
Des thèmes qui résonnent encore aujourd’hui
Bien que la pièce se déroule dans un contexte historique précis, celui de l’Algérie coloniale, Salim Bensdira estime que les thèmes abordés – oppression, misère, violence systémique – restent d’une actualité brûlante. « Ces thèmes constituent un moment crucial de notre histoire, notamment dans le déclenchement de la Guerre de libération nationale », souligne-t-il.
Pour lui, il est essentiel de rappeler ces moments pour éviter les « marches arrière de l’Histoire » et lutter contre la culture de l’oubli. « Notre travail s’inscrit dans ce combat contre l’oubli, pour raviver la mémoire collective », ajoute-t-il.
Une collaboration artistique riche
Salim Bensdira évoque avec admiration la poésie d’Ismaël Aït Djafar, qu’il décrit comme « vivante et explosive ». « Chaque mot de son texte est chargé d’émotion, et personne ne sort indemne de sa lecture », confie-t-il.
Bien qu’il n’ait pas eu la chance de collaborer directement avec l’auteur, Bensdira et sa compagnie ont adapté le texte en arabe algérien, tout en respectant la force et la sensibilité de l’œuvre originale.
Un retour sur scène marqué par un engagement profond
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, Salim Bensdira n’a jamais vraiment quitté la scène. « Ce n’est pas un retour, car je n’ai jamais abandonné le théâtre, que ce soit en tant que comédien ou metteur en scène », explique-t-il.
Cependant, il reconnaît que H’bali (Ma Folie) occupe une place particulière dans son parcours. « C’est une première expérience dans la langue de Molière, ce qui n’est pas évident, mais nous continuons de croire que la langue française est un butin de guerre », déclare-t-il.
Un message universel contre l’injustice
À travers cette pièce, Salim Bensdira et sa compagnie souhaitent transmettre un message fort : celui de la lutte contre les injustices. « Notre objectif est de raviver la mémoire collective, qui est le véritable ciment de notre force en tant qu’Algériens », affirme-t-il. Pour lui, il est essentiel de rappeler les souffrances endurées par le passé pour mieux comprendre le présent et construire l’avenir.
Des réactions du public qui marquent
Les réactions du public à la pièce ont été particulièrement émouvantes. « Le texte d’Aït Djafar ne laisse personne indifférent. Il est troublant et provoque des réactions fortes », raconte Bensdira. Les échanges avec le public ont été riches et souvent marqués par une profonde émotion, témoignant de la résonance de l’œuvre dans le cœur des spectateurs.
Des projets artistiques en perspective
Salim Bensdira ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. « Nous avons beaucoup de projets, notamment au niveau théâtral », annonce-t-il. Parmi ces projets, une journée de commémoration du 8 mai 1945 est en préparation, ainsi qu’une reprise de H’bali (Ma Folie) dans sa version adaptée en arabe algérien.
« Le problème reste cependant l’absence de diffusion et de programmation dans les théâtres régionaux et autres établissements culturels », déplore-t-il.
En conclusion, H’bali (Ma Folie) est bien plus qu’une pièce de théâtre : c’est un cri de douleur et de révolte contre l’injustice, un appel à ne jamais oublier les souffrances du passé pour mieux construire l’avenir.
À travers cette œuvre, Salim Bensdira et sa compagnie continuent de porter haut le flambeau de la mémoire collective, rappelant que l’art reste un puissant instrument de lutte et de résistance.
H’bali est un hommage à un poète martyr, un cri contre l’oubli et une invitation à la réflexion sur les injustices passées et présentes. À travers cette adaptation, Salim Bensdira et sa compagnie rendent justice à un texte trop longtemps méconnu, tout en rappelant que les combats d’hier résonnent encore aujourd’hui.