Par RAMDANE BOURAHLA
Afin de sauver les apparences et surtout d’éviter à la France de sombrer dans une crise institutionnelle inédite dans les annales de la Ve République, le président de la République, Emmanuel Macron, a reconduit ce lundi 8 juillet, « momentanément », son Premier ministre, Gabriel Atal.
Dans un communiqué laconique du Palais de l’Elysée, il est indiqué que le président Macron, et en attendant une «structuration de la nouvelle assemblée», a décidé de maintenir «pour le moment», Gabriel Atal au poste de Premier ministre, le temps de «prendre les décisions nécessaires ».
Garantir la stabilité des institutions
En effet, à quelques jours du début des Jeux olympiques en France, le président français ne souhaite nullement chambouler plus qu’il ne l’est déjà, l’échiquier politique.
Accepter la démission d’Atal aurait plongé la France dans une crise institutionnelle sans précédent, puisque la nouvelle carte politique née au soir du second tour des élections législatives, laisse penser que la France est littéralement ingouvernable. Car ni le Nouveau Front Populaire (NFP) ni le camp présidentiel (Ensemble) et encore moins les divers droites, n’ont la majorité même relative pour gouverner. La décision de Macron n’est pas en elle même une surprise, voire qu’elle était prévisible et nécessaire pour garantir la stabilité des institutions.
Retour vers le futur…
Le président français, après avoir commis la « bourde » de convoquer des élections législatives anticipées et failli « donner » les clés de Matignion au Rassemblement national et à son « gesticulateur précoce », en l’occurrence Jordan Bardella, doit désormais se résoudre à accepter, la mort dans l’âme, à composer avec un gouvernement de « cohabitation ». Un fait qui renvoi la France deux décennies en arrière, à l’époque de la cohabitation entre feu Jacques Chirac et Lionel Jospin (Parti Socialiste). Cependant, la conjoncture de la France de 1997 et celle de 2024, ne sont pas les mêmes.
Abstraction faite du contexte socio-économique et des mutations qui leur sont inhérentes, l’échiquier politique français n’a rien avoir avec celui de 1997, où Chirac devait composer avec une gauche forte, unie sous la bannière du Parti socialiste et derrière un seul homme, Lionel Jospin, qui était perçu comme un présidentiable en puissance à l’époque. En 2024, la cohabitation que s’est infligée Macron est toute autre. Elle pourrait se résumer en une seule phrase: Cohabiter, mais avec qui?
Mélenchon déjà hors course!
En principe, les prérogatives présidentielles permettent à Macron de nommer qui il souhaite à Matignon. Néanmoins, dans les faits, il est soumis à la règle institutionnelle qui veut qu’il doit de bénéficier au préalable de la majorité à l’assemblée nationale. De ce fait, il est donc contraint de désigner un candidat susceptible d’obtenir l’aval d’une majorité de députés.
Le hic réside dans le fait que la nouvelle carte politique issue des élections législatives du 7 juillet ne donne aucune majorité, même relative à même de pouvoir gouverner. Le premier groupe, le Nouveau Front populaire (NFP), ne dispose que de 182 élus, auxquels pourraient s’ajouter quelque treize élus divers gauche, soit une majorité relative d’à peine un tiers des sièges de l’Assemblée nationale.
Même si Macron devait se résoudre à désigner son Premier ministre de ce bloc politique, son leader ne fait pas consensus.
Et pour cause, Jean Luc Mélenchon, ne fait pas l’unanimité au sein même de sa formation politique. Perçu comme « extrême », « revanchard » et le pompon dans la France de 2024, comme « antisémite », une accusation véhiculée, il faut bien le dire, par certains médias, dont CNews, propriété du milliardaire et réactionnaire, Vincent Bolloré. De plus, plusieurs personnalités de la gauche française, dont Olivier Faure, Fabien Roussel ou encore l’ancien président français, François Hollande, ont déjà à plusieurs reprises exclu l’éventualité d’un Jean-Luc Mélenchon à la tête de l’exécutif.
Des « technocrates » aux commandes?
Même si le NFP venait à désigner un candidat qui ferait consensus et faute de majorité, un gouvernement « minoritaire » aurait une épée de Damoclès au dessus de sa tête, puisqu’il serait sous la menace d’une motion de censure qui risque de le faire chuter à la moindre occasion.
Seule solution pour Macron et qui pourrait être envisagée si aucun candidat n’émerge à l’issue des tractations en cours, aussi « contre nature », soient elles, celle consistant à opter pour un gouvernement « technique » sans couleur politique, afin des gérer les affaires courantes et éventuellement légiférer par ordonnance.
Quoiqu’il en soit, le président Macron, qui est attendu ce mardi à Washington pour assister au sommet de l’Otan, devra faire des choix cornéliens, qui découlent de son mauvais calcul politique, qu’il avait pris dans la précipitation après sa débâcle aux européennes de juin dernier.
R.B