Alors que la demande mondiale en énergie ne cesse de croître, l’hydrogène vert s’impose progressivement comme un levier stratégique de diversification et de décarbonation.
D’ailleurs, et lors des dernières Journées scientifiques de Sonatrach (JST), organisées à Oran, il a été souligné que l’Algérie compte investir plus de 25 milliards de dollars dans cette énergie.
Mohammed Zighed, chercheur en génie des procèdes et énergies nouvelles, a détaillé pour JUST-INFODZ, les enjeux, les défis techniques et les perspectives de cette molécule-clé, notamment pour l’Algérie.
Pourquoi miser sur l’hydrogène ?
Avant tout, Mohammed Zighed rappelle que l’hydrogène intervient pour répondre à un double impératif. D’un côté, Il s’agit de diversifier le mix énergétique, aux côtés des autres sources fossiles conventionnelles et non conventionnelles, notamment face à la pression croissante sur le gaz naturel. De l’autre, l’hydrogène – particulièrement le vert – constitue un outil majeur de décarbonation.
En effet, selon l’Agence Internationale de l’Énergie (IEA), le gaz naturel reste le vecteur essentiel de la transition énergétique . Toutefois, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, l’hydrogène pourrait contribuer jusqu’à 10 % des efforts mondiaux de réduction des gaz à effet de serre, notamment dans les scénarios de limitation du réchauffement à 1,5°C.
Un levier pour une transition bas carbone
Ensuite, M. Zighed souligne que le procédé de production de l’hydrogène vert , ne rejette quasiment pas de carbone. Il peut donc être un acteur central d’une transition énergétique « flexible », limitant les émissions tout en maintenant la sécurité d’approvisionnement. L’hydrogène est notamment envisagé pour décarboner des secteurs industriels difficiles à électrifier, comme la sidérurgie, la production d’ammoniac, la production de ciment, le méthanol ……
Des défis technologiques à relever
Cependant, plusieurs obstacles freinent encore le déploiement à grande échelle. Le premier est technologique : la filière de l’électrolyse, qui permet de produire de l’hydrogène à partir d’eau, est encore en mutation. On en est à la troisième voire quatrième génération d’électrolyseurs, avec un défi de taille lié à l’intégration des énergies renouvelables dans ledit procédé d’électrolyse.
En outre, le développement de membranes performantes dans les électrolyseurs reste un enjeu critique. L’efficacité, le coût et l’opacité liée aux off conditionnent directement la viabilité économique de l’hydrogène vert.
Transport, stockage et sécurité : les autres enjeux
D’un autre côté, le transport et le stockage posent également des défis majeurs. Aujourd’hui, seuls de 15 % à 20% d’hydrogène peuvent être intégrés dans les gazoducs existants en maintenant les mêmes pressions de service, sans modification. Aller au-delà exigerait une modernisation lourde des infrastructures et un protocole de qualification intransigeant.
Concernant le stockage, plusieurs voies sont explorées : liquéfaction à très basse température, compression, ou transformation en dérivés comme l’ammoniac. Chaque méthode présente des compromis entre coût, efficacité et sécurité. Sur ce dernier point, Zighed alerte : « L’hydrogène est un gaz hautement inflammable et invisible à l’œil nu, ce qui impose des standards de sécurité extrêmement stricts dans les installations»
Des applications industrielles prometteuses
Ainsi, l’hydrogène ouvre la voie à de nouvelles applications industrielles. Il est notamment utilisé dans la production d’acier vert, via un procédé DRI (Fer Réduit Direct). Il est aussi envisagé pour alimenter des turbines électriques de nouvelle génération ou servir de matière première pour des produits dérivés comme l’e-méthanol, e-fuel ou e-ammoniac.
Des projets d’envergure en perspective
Dans cette dynamique, des projets régionaux de grande ampleur se dessinent. Le South Corridor Project, reliant cinq pays européens et nord-africains (dont l’Algérie), prévoit un corridor de 3 300 kilomètres pour transporter jusqu’à 4 millions de tonnes d’hydrogène par an.
Grâce à son ensoleillement exceptionnel, son potentiel hybride et ses investissements dans le dessalement de l’eau (3,8 millions de m³/jour), l’Algérie aspire à devenir un hub régional de la production de l’hydrogène. Son expérience dans le gaz naturel et le GNL constitue par ailleurs un atout majeur pour structurer cette nouvelle filière.
Vers un marché compétitif d’ici 2040
À moyen terme, le marché mondial de l’hydrogène devrait connaître un véritable essor entre 2040 et 2050. En Algérie, les prix actuels varient encore : de 1,7 $/kg pour l’hydrogène gris à 5 $/kg pour les technologies d’électrolyse PEM. Mais avec la maturité croissante des technologies, ces coûts devraient baisser significativement, rendant l’hydrogène vert de plus en plus compétitif. Selon des experts l’Algérie a le potentiel de produire de l’hydrogène à l’un des coûts les plus bas au monde et pouvant atteindre 1,5 $/kg d’ici 2050.
Une stratégie nationale ambitieuse
Enfin, l’Algérie a défini une stratégie nationale pour l’hydrogène qui prévoit la production de 40 TWh d’hydrogène bas carbone d’ici 2040 avec un investissement de l’ordre de 25 milliards de dollars. avec une forte composante exportatrice. Cette stratégie repose sur plusieurs piliers : cadre réglementaire et normatif, développement des compétences du capital humain, soutien à l’industrie, partenariats internationaux, et intégration des renouvelables. En parallèle, le pays reste conscient que le gaz naturel continuera à jouer un rôle clé et central dans l’économie et l’industrie mondiales, ainsi qu’en tant que source intermédiaire pour la production d’hydrogène bleu.
Vers une double force énergétique
En conclusion, Mohammed Zighed estime que l’Algérie a toutes les cartes en main pour être à la fois une puissance gazière et un acteur majeur de la production d’hydrogène. En capitalisant sur ses ressources, ses infrastructures, son savoir-faire, son expertise et ses partenariats stratégiques, Elle continue à s’imposer, comme elle l’a toujours été, en tant qu’acteur incontournable sur la scène énergétique mondiale.