L’ancien envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies au Sahara occidental, Christopher Ross, vient de dire tout haut ce que le Conseil de sécurité des Nations unies pensait tout bas au moment de l’adoption de la résolution américaine sur le Sahara occidental : c’est « un pas en arrière » .
Ainsi et dans une longue contribution publiée dans le média « International Centre for Dialogue Initiatives» (ICDI), Christopher Ross, dont la neutralité dans ce conflit est incontestée, soutient que le vote du 31 octobre dernier, non-seulement maintient le statut-quoi, mais entoure ce dossier d’une « ambiguïté manifeste », et ce, dépit des affirmations de ses partisans, notamment le Maroc.
Querelles au Conseil de sécurité !
En effet, pour M.Ross, cette résolution a déclenché de «longues querelles» entre les membres du Conseil.
Selon Christopher la Russie s’est opposée à la tentative des États-Unis d’utiliser le texte pour servir leur position nationale sur le conflit, et plusieurs membres ont critiqué son caractère fortement déséquilibré. « Beaucoup se sont également opposés à la réduction du renouvellement du mandat de la MINURSO de douze à six mois», souligne-t-il.
Pour cet ancien ambassadeur onusien, les membres du Conseil de sécurité ont rejeté l’argument des rédacteurs selon lequel cela exercerait une «pression» sur les parties pour parvenir à un règlement, et ont souhaité préserver la capacité de la MINURSO à surveiller le cessez-le-feu ainsi que la situation sur le terrain au nom du Conseil. « les États-Unis, en tant que rédacteurs principaux (ou « penholder ») et chefs de file des négociations sur le Sahara occidental, ont décidé d’utiliser cette dernière résolution pour tenter de faire avancer les choses conformément à la reconnaissance, en décembre 2020, par le président Donald Trump, de la souveraineté du Maroc sur le Territoire», admet-il.
Un caractère «déséquilibré» dénoncé
Dans sa contribution, l’ancien envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies au Sahara occidental, note que « l’Algérie, au sein du Conseil, et le Front Polisario, en dehors, ont dénoncé l’omission dans le projet de toute référence à la proposition du Polisario», relèvera-t-il.
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Toujours selon les propos de M.Ross, lors des tractations, les rédacteurs ont procédé à plusieurs révisions, la plus importante consistant à qualifier la proposition marocaine de « solution parmi les plus réalistes » plutôt que « la plus réaliste » et à prolonger le mandat de la MINURSO d’un an. « Ces modifications, ainsi que d’autres ajustements mineurs, ont suffi à éviter tout veto de la résolution, laquelle a été adoptée malgré son caractère déséquilibré, avec les voix favorables des États-Unis, de la France, du Royaume-Uni et de huit membres non permanents, tandis que la Russie, la Chine et le Pakistan se sont abstenus, et que l’Algérie n’a pas pris part au vote», explique-t-il encore.
L’impuissance de l’ONU affirmée
Face à cette impasse ou littéralement ce « recul » dans le dossier du Sahara occidental, Christopher Ross s’interroge sur le « rôle » des Nations-unies et leur éventuelle contribution à même de faire avancer les choses. « Que peuvent faire les membres du Conseil, individuellement, et d’autres acteurs, notamment l’Espagne, pour aider l’Envoyé personnel à briser cette impasse ? Et que peut-il faire pour organiser de véritables négociations sans conditions préalables alors que le Maroc cherche à limiter les discussions à sa seule proposition d’autonomie, désormais soutenue par le Conseil ?», s’est-il interrogé sous forme de rhétorique et d’y répondre de manière lapidaire : « La réponse simple, dans les deux cas, est : pas grand-chose! », assène-t-il.
Maroc, ou la politique « du fait accompli »
Pour le contributeur, les deux parties (ou les trois, si l’on inclut l’Algérie, comme le souhaite le Maroc) estiment que leurs lectures respectives des dossiers historiques, documentaires et diplomatiques servent leurs intérêts et appuient leurs positions. « Le Maroc continue de défendre sa « cause nationale » auprès de sa population, crée des faits accomplis sur le terrain, exploite les ressources du Sahara occidental, encourage l’installation de colons et ne montre aucun intérêt pour de véritables négociations sans conditions préalables — bien qu’il soit disposé à participer à des rencontres de pure forme qui, comme par le passé, ne débouchent jamais sur des discussions réelles», soulignera Christopher Ross.
Le désert « vaut mieux que d’embrasser la main du Roi »
De l’autre, poursuit-il, le Front Polisario, se targue des reconnaissances émises par diverses juridictions — de la Cour internationale de justice à l’Union européenne — affirmant que le Sahara occidental constitue une entité distincte du Maroc, et de la conviction qu’il pourrait se gouverner lui-même et prospérer grâce à ses ressources en phosphates, à ses pêcheries, à ses métaux précieux et au tourisme. « En l’absence de pressions de la part de l’Algérie, le Polisario et ses partisans parmi le peuple du Sahara occidental, désireux de pouvoir décider de leur avenir, n’ont aucun intérêt à accepter la proposition marocaine. Comme me l’a dit un jour un étudiant réfugié « Aussi difficile que soit la vie ici, dans un camp du désert, elle vaut mieux que d’embrasser la main du Roi. »
Enfin, Christopher Ross estime que le conflit du Sahara occidental comme les mauvaises relations entre le Maroc et l’Algérie exigent une « gestion active» pour éviter que les tensions ne dégénèrent en menaces graves pour la paix et la stabilité. Peu de choses peuvent être faites à court terme. « Dans cette optique, la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO) a un rôle utile à jouer. Actuellement, le Conseil, ayant embrassé la proposition marocaine, n’en a pas», a-t-il tranché.
