Dans un contexte mondial marqué par l’instabilité des chaînes d’approvisionnement, l’Algérie renforce résolument sa stratégie de sécurité alimentaire.
Ainsi, l’accent est mis sur un secteur névralgique : la production laitière, et notamment la réduction de la dépendance nationale à la poudre de lait importée. Deux projets colossaux marquent cette ambition : une coopération agricole inédite avec les États-Unis, et le mégaprojet Baladna en partenariat avec le Qatar. Ensemble, ces initiatives visent à poser les fondations d’une autosuffisance durable, tout en structurant une véritable industrie laitière locale.
Un partenariat stratégique avec les États-Unis
En effet, c’est dans le sillage de la visite à Alger de M. Mossad Boulos, conseiller spécial du président américain pour l’Afrique, les affaires arabes et le Moyen-Orient, que l’ambassade des États-Unis a annoncé ce 29 juillet le lancement d’un projet agricole d’envergure. Symbole fort d’un partenariat stratégique entre Alger et Washington, ce projet prévoit l’introduction imminente de vaches laitières américaines en Algérie, marquant le début d’un investissement estimé à 3,5 milliards de dollars.
Axé sur l’innovation et la durabilité, ce programme repose sur l’utilisation de technologies agricoles avancées, à l’image des systèmes d’irrigation développés par l’américain Valmont. L’ambassade américaine évoque la création de « fermes intelligentes au lait frais », reflet d’une volonté d’allier performance technologique et production locale.
Dans une déclaration vidéo diffusée par l’ambassade, M. Boulos s’est dit impressionné par le potentiel algérien et a qualifié ce partenariat de « point de départ d’un travail commun pour un avenir plus prospère ». Cette dynamique s’inscrit également dans une volonté commune de renforcer les relations bilatérales dans les domaines de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et des technologies vertes.
Le projet Baladna : vers une autosuffisance en poudre de lait
En parallèle de cette coopération américano-algérienne, l’Algérie a signé, lundi à Alger, les premiers contrats de réalisation du plus vaste projet laitier de son histoire, mené avec la société qatarie Baladna et le Fonds national d’investissement (FNI). D’un montant total de 3,5 milliards de dollars, ce projet agroalimentaire intégré vise à couvrir 50 % des besoins nationaux en poudre de lait à l’horizon 2026.
Installé dans la wilaya d’Adrar, au Sud du pays, ce complexe agro-industriel couvrira une superficie de 117.000 hectares, avec une première phase portant sur l’exploitation de 100.000 hectares. Celle-ci prévoit l’installation de 700 pivots d’irrigation, la construction de deux fermes bovines, et l’érection de deux usines de production de lait en poudre. L’importation de races bovines hautement productives, capables de s’adapter au climat saharien, est également prévue.
En outre, pas moins de 14 contrats, totalisant plus de 500 millions de dollars, ont été conclus avec des entreprises internationales majeures, à l’instar de l’allemande GEA Technologies (production laitière et systèmes de traite), de la société américaine Valmont (irrigation), ou encore de UCC (Qatar) pour la construction de la charpente métallique de l’usine. Le projet bénéficie également du savoir-faire turc (AFKO), de bureaux d’études qataris (EHAF) et d’expertise locale via BNEDER pour les études techniques et EFORHYD pour les forages hydrauliques.
Les infrastructures de soutien, dont deux bases de vie pour le personnel, seront réalisées par les sociétés RedMed et Condor-Travocovia, garantissant des conditions de travail optimales en zone désertique.
Un levier pour l’économie hors hydrocarbures
Par ailleurs et au-delà de l’enjeu alimentaire, ces projets traduisent l’engagement stratégique de l’Algérie en faveur d’une diversification économique, rompant avec la dépendance historique aux hydrocarbures. En s’adossant à des partenaires internationaux de renom, l’Algérie aspire à structurer une filière laitière compétitive, durable, et à haute valeur ajoutée, capable de répondre aux besoins du marché local tout en créant plus de 5000 emplois directs.
L’ambition est claire : substituer progressivement les importations de poudre de lait — qui pèsent lourdement sur la facture alimentaire du pays — par une production nationale de qualité, maîtrisée de bout en bout, de la fourche à la laiterie.
Vers une souveraineté alimentaire assumée
Enfin, ces deux projets d’envergure constituent une réponse concrète à l’un des défis majeurs de l’Algérie contemporaine : atteindre la souveraineté alimentaire. En mobilisant des ressources financières, technologiques et humaines considérables, l’État affirme sa volonté de transformer l’agriculture en pilier stratégique de la sécurité nationale.
Loin d’être de simples initiatives ponctuelles, les projets laitiers avec les États-Unis et Baladna s’inscrivent dans une vision à long terme, où l’Algérie reprend le contrôle de ses ressources alimentaires et affirme sa place dans le concert des nations capables de nourrir leur population par elles-mêmes.