Tebboune sonne le glas de l’Algex : Quel avenir pour l’import-export ? Brahim Guendouzi decrypte…

Lors d’une rencontre récente avec les opérateurs économiques algériens, le président Abdelmadjid Tebboune a annoncé des mesures fortes pour dynamiser l’économie nationale, notamment la suppression de l’Agence algérienne de promotion des exportations (Algex), qualifiée d’« instance du Jurassique ».

Cette décision s’inscrit dans une série de réformes visant à simplifier les procédures, stimuler les investissements et préparer l’Algérie à intégrer le club des pays émergents d’ici 2027.

Dans un entretien exclusif accordé à JUST-INFODZ.COM l’économiste Brahim Guendouzi décrypte les enjeux de ces annonces et évalue leur impact potentiel sur l’économie algérienne.

La fin d’Algex : une nécessité pour libérer les exportations

Le président Tebboune a justifié la dissolution d’Algex en pointant son fonctionnement bureaucratique et son inadaptation aux réalités économiques actuelles.

Créée en 2004, l’Algex avait pour mission initiale d’accompagner les exportateurs algériens, notamment via le Fonds spécial de promotion des exportations (FSPE). Pourtant, ces dernières années, son rôle a été détourné : elle s’est retrouvée à réguler des importations, une tâche pour laquelle elle n’était pas conçue. « Elle devait vérifier l’indisponibilité des produits avant toute importation, générant des retards considérables », explique Brahim Guendouzi.

Les importateurs devaient obtenir un certificat de l’Algex pour finaliser leurs opérations bancaires, un processus souvent bloquant. C’est cette inefficacité qui a valu à l’agence le surnom d’« instance du Jurassique » par Tebboune, en référence à une époque révolue.

Un impact immédiat sur les opérateurs économiques


Avec la suppression de l’Algex, les importateurs n’auront plus à passer par cette étape bureaucratique, fluidifiant ainsi les procédures. « C’est un verrou qui saute », souligne Guendouzi. Cependant, cette mesure s’accompagne de la création de deux nouvelles structures : une dédiée à l’import et une autre à l’export, dont les détails seront finalisés fin mai. Pour l’expert, cette réforme doit s’inscrire dans une stratégie plus large de diversification économique, combinant substitution aux importations et renforcement des exportations hors hydrocarbures.

Deux nouvelles agences pour un commerce extérieur plus efficace

Pour remplacer Algex, Tebboune a annoncé la création de deux structures distinctes : l’une dédiée aux importations, l’autre aux exportations. Guendouzi rappelle que deux conseils consultatifs existent déjà (le Haut conseil de la régulation des importations et le Conseil national consultatif de promotion des exportations), mais leur transformation en agences opérationnelles pourrait marquer un tournant.

« L’Algérie doit moderniser sa gouvernance économique pour gagner en compétitivité », souligne-t-il. « Cela passe par une meilleure régulation des importations et une vraie stratégie pour diversifier les exportations hors hydrocarbures. »

Sur la question de la sous-facturation des exportations, évoquée par le président, l’expert estime que la digitalisation et une meilleure coordination entre douanes, banques et services fiscaux pourraient limiter ces pratiques frauduleuses.

Bureaucratie, guichet unique et foncier industriel : les défis persistants

Malgré les progrès réalisés depuis 2019, Tebboune et le CREA dénoncent toujours des blocages administratifs et bancaires. Pour Guendouzi, ces problèmes résultent d’un « enracinement » de pratiques obsolètes, combinant lourdeurs structurelles et résistance au changement.

Le retard dans la mise en place du guichet unique à l’AAPI illustre ces difficultés. « La loi sur l’investissement a posé des bases solides, mais il manque une véritable accélération dans l’exécution des projets », analyse-t-il. Autre obstacle : le prix prohibitif des terrains industriels, pouvant atteindre 35 000 DA/m². « Cette spéculation décourage les investisseurs. L’État doit réguler ce marché pour favoriser l’émergence de zones économiques attractives. »

Un PIB de 400 milliards de dollars d’ici 2027 : un objectif ambitieux mais réalisable ?

L’Algérie vise un PIB de 400 milliards de dollars et une industrialisation représentant 18 % du PIB d’ici 2027. Un objectif « ambitieux mais réalisable », selon Guendouzi, à condition de maintenir un taux de croissance supérieur à 4 %, d’accélérer les projets industriels et de réformer le système bancaire.

« La privatisation partielle des banques publiques est une étape nécessaire pour diversifier les sources de financement », estime-t-il. Par ailleurs, la renégociation de l’accord d’association avec l’UE pourrait ouvrir de nouveaux débouchés pour les produits algériens, notamment dans les secteurs manufacturiers et agroalimentaires.

Vers une nouvelle génération d’entrepreneurs

Enfin, Tebboune a appelé à l’émergence d’une « nouvelle génération d’hommes d’affaires », tournant la page des pratiques corruptrices. Pour Guendouzi, cette transition passe par la promotion de l’innovation et des start-up, ainsi que par une économie moins dépendante de la rente.

« L’Algérie a besoin d’entrepreneurs qui créent de la valeur, pas de rentiers », conclut-il. « Les réformes annoncées vont dans le bon sens, mais leur succès dépendra de leur application concrète sur le terrain. »

Alors que l’Algérie s’engage dans une phase cruciale de son développement économique, les mesures prises par Tebboune marquent une volonté de rupture avec les pratiques du passé. Reste à voir si cette dynamique se traduira par des résultats tangibles dans les années à venir.

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