Alors que l’Algérie investi en masse dans le développement, la production et l’exportation de l’hydrogène vert, tout en visant à être un “hub” énergétique pour l’Europe, grâce au projet du SoutH2Corridor, une autre “couleur” de l’hydrogène, à savoir l’hydrogène blanc, émerge doucement, mais surement.
Ainsi et selon le Pr Nasreddine Kazi, spécialiste des sciences de l’énergie, cette forme d’hydrogène “natif”, autrement dit, sans transformation aucune, est destinée à être le “ futur énergétique” de l’Algérie, voire du monde.
Des gisements gigantesques !
D’ailleurs et d’après le même expert, les réserves de l’Algérie en hydrogène blanc, sont “ gigantesques” et ce n’est qu’un doux euphémisme… Et pour cause, l’Algérie pourrait être potentiellement “assise” sur le plus gros gisement et de loin, d’hydrogène blanc de la planète !
En effet, les estimations scientifiques avancent des chiffres impressionnants : entre 4 et 5 milliards de tonnes d’hydrogène blanc pourraient être disponibles dans le sous-sol algérien, a révélé ce mardi, 27 mai 2025, le Pr Nasreddine Kazi, lors d’une conférence scientifique de haut niveau, laquelle s’est tenue à la salle Ibn Khaldoun d’Alger, organisée par l’Académie algérienne des sciences et des technologies (AAST), était placée sous le thème porteur « Énergie locale décarbonée : l’hydrogène blanc ».
Quand on sait qu’actuellement, le plus gros gisement de la planète, répertorié en France, n’est que de 46 millions de tonnes, les gisements potentiels de l’Algérie, sont littéralement stratosphérique.
L’Ougarta et Gara Djebilet en pole position
Pour le conférencier, loin de se limiter au Sahara, ces gisements potentiels s’étendraient également au nord du pays. Cette richesse naturelle provient de divers processus géologiques, tels que la radiolyse, l’oxydation du fer ferreux (Fe²⁺) et la réduction du fer ferrique (Fe³⁺), ou encore la transformation de certaines roches spécifiques. A ce propos, il citera des gisements importants au niveau de l’Ougarta, dans la wilaya de Béchar, ainsi que Gara Djebilet, dans la wilaya de Tindouf.
Un “tournant énergétique” stratégique
Lors de son intervention, le Pr Nasreddine Kazi a mis en lumière la place stratégique que pourrait occuper l’Algérie sur la scène énergétique mondiale grâce à ses vastes réserves d’hydrogène blanc. Contrairement aux formes manufacturées d’hydrogène – souvent qualifiées de « sales » à cause de leur fort impact environnemental – l’hydrogène blanc, d’origine naturelle, représente une alternative propre, durable et hautement compétitive.
En effet, la fabrication de l’hydrogène par reformage du méthane rejette environ 20 kg de CO₂ pour chaque kilogramme de H₂ produit, tandis que l’hydrogène vert, issu de l’électrolyse, bien que propre, reste coûteux : près de 14 dollars par kilogramme. À l’inverse, l’hydrogène blanc, naturellement présent dans le sous-sol, pourrait être extrait à un coût estimé à seulement 0,5 dollar le kilogramme.
Des usages industriels déterminants
En parallèle, le conférencier a rappelé l’importance cruciale de l’hydrogène dans l’industrie. Actuellement, la majorité de sa production est destinée à la fabrication de l’ammoniac, au raffinage pétrolier ainsi qu’à la production de méthanol. Avec une densité énergétique de 141 000 kJ/kg – soit 2,5 fois supérieure à celle du méthane (55 500 kJ/kg) – l’hydrogène s’impose comme une ressource de choix pour répondre à la nécessité urgente de décarbonation mondiale.
50 ans après… l’Algérie se “réveil” à l’hydrogène blanc
Cependant et malgré son potentiel, la place de l’hydrogène reste marginale dans l’économie mondiale. En 2023, seules 91 000 tonnes ont été exportées, dont 96 % issues de sources grises, très polluantes. C’est dans cette perspective que l’Algérie commence à prendre conscience de l’opportunité que représente l’hydrogène blanc.
Des startups locales commencent à investir le terrain, explorant les technologies de détection et d’exploitation. Un regain d’intérêt qui fait écho à l’initiative du Pr M. Abdelouahab Benini, qui avait déjà déposé en 1974 un dossier portant sur les énergies renouvelables, incluant l’hydrogène blanc.
Une voie d’avenir à concrétiser
Enfin, cette rencontre scientifique a permis d’initier un dialogue constructif entre chercheurs, institutions publiques, corps de sécurité et médias. Tous s’accordent à reconnaître que l’hydrogène blanc constitue un levier stratégique pour la transition énergétique de l’Algérie. Il s’agit désormais de traduire cette vision en projets concrets, en investissant dans la recherche, l’innovation technologique et la structuration d’une filière nationale de l’hydrogène naturel.
L’hydrogène blanc n’est plus un simple concept prospectif. Il s’impose comme une réalité tangible, une alternative énergétique viable et compétitive. En se positionnant en pionnier dans ce domaine, l’Algérie pourrait non seulement diversifier son économie mais aussi jouer un rôle de premier plan dans la transition énergétique globale.