Le secteur algérien des hydrocarbures est en plein essor, connaissant un dynamisme inégalé depuis une dizaine d’années. Cette effervescence s’inscrit dans la volonté du pays d’attirer les investissements étrangers dans l’exploration et la production.
Ainsi et selon un article du spécialiste Geoff D. Porter, directeur de North Africa Risk Consulting (NARCO), cette nouvelle dynamique se manifeste par une série de rencontres entre les autorités algériennes et des acteurs majeurs de l’énergie. Le regain d’intérêt pour le secteur énergétique du pays, qui a longtemps souffert de stagnation, est palpable.
Des contextes favorables
En effet, l’emplacement géographique de l’Algérie, à proximité des marchés européens, joue un rôle clé dans cette attractivité, tout comme sa stabilité diplomatique qui la préserve des bouleversements mondiaux affectant les marchés de l’énergie.
Sur le plan intérieur, la situation s’est considérablement améliorée. Les préoccupations sécuritaires sont devenues marginales, l’environnement politique est stable, et le cadre réglementaire est désormais plus prévisible. Cette combinaison de calme intérieur et d’incertitude énergétique en Europe propulse l’Algérie sur la scène internationale, incitant les grandes compagnies énergétiques à s’y intéresser de près.
L’Algérie attire les investissements étrangers
L’intérêt des investisseurs étrangers se manifeste par le retour d’une délégation d’ExxonMobil le 5 juillet 2025 pour des discussions avec le ministre de l’Énergie, Mohamed Arkab. Cette rencontre fait suite à un entretien des dirigeants d’ExxonMobil avec le président Abdelmadjid Tebboune le 25 juin 2025, qui avait lui-même reçu des représentants de Chevron la veille.
Geoff D. Porter, souligne que l’Algérie utilise deux approches parallèles pour attirer les investissements dans le secteur de l’exploration et de la production :
- Lancement d’appels d’offres officiels pour des licences pétrolières et gazières.
- Négociations bilatérales directes avec les compagnies énergétiques pour l’attribution de contrats.
Le 17 juin 2025, l’Algérie a finalisé son premier cycle d’appels d’offres pour des licences pétrolières et gazières depuis plus d’une décennie. Une tentative précédente en 2014 avait été largement considérée comme un échec, aucune compagnie internationale n’ayant soumis d’offre. Seule la compagnie nationale Sonatrach avait alors posé sa candidature pour des blocs qui lui appartenaient déjà.
Cette expérience a conduit à une réforme majeure du secteur avec la loi sur les hydrocarbures de 2019. L’objectif était d’offrir des conditions financières plus attractives et des incitations fiscales aux entreprises internationales. Bien que la loi ait été promulguée en 2020, des revers ont retardé ce nouveau cycle d’appels d’offres de cinq ans.
Porter reconnaît que, malgré ces avancées, le secteur énergétique algérien n’est pas parfait : la prise de décision reste complexe et la bureaucratie est lente. De plus, bien que les conditions financières se soient améliorées, elles ne sont pas encore totalement compétitives par rapport à d’autres régions du monde.
Des résultats encourageants pour le cycle de licences
En outre, le cycle de licences de 2025 n’a pas réservé de surprises majeures, mais n’a pas non plus été un échec. Sur les six zones proposées, cinq ont été attribuées à un consortium de compagnies internationales, dont les géants Sinopec (Chine), TotalEnergies (France), Eni (Italie) et QatarEnergy.
Ce cycle d’appels d’offres, le premier sous la nouvelle loi sur les hydrocarbures, a abouti à l’octroi de contrats de 30 ans (dont 7 ans pour l’exploration) et à des investissements minimums de 936 millions de dollars. Ces investissements se décomposent en 533 millions de dollars pour l’exploration et 403 millions pour le développement.
Pour Samir Bakhti, le président de l’Agence Nationale pour la Valorisation des Ressources en Hydrocarbures (ALNAFT), qui a supervisé le cycle, c’est un succès. Il a d’ailleurs annoncé qu’un nouveau cycle de licences serait organisé plus tard en 2025.
Parallèlement, le pays a signé cinq nouveaux contrats avec les huit compagnies internationales gagnantes.
Selon Geoff D. Porter, si les résultats de cet appel d’offres n’ont pas dépassé les attentes, c’est peut-être parce que l’Algérie s’est également ouverte aux négociations directes. Cette approche permet aux compagnies énergétiques de contourner les contraintes des appels d’offres et de négocier des conditions plus avantageuses et des délais qui correspondent mieux à leurs priorités stratégiques.
Les compagnies énergétiques se pressent au portillon
Les 36 derniers mois ont vu plusieurs compagnies énergétiques mondiales renforcer leur présence en Algérie grâce à des négociations bilatérales.
- Occidental a renforcé ses investissements en 2022, après avoir envisagé de se retirer en 2019, et prévoit de faire de l’Algérie un actif clé à long terme dans son portefeuille mondial.
- Eni a racheté les actifs de BP en 2022, puis ceux de Neptune Energy en 2024. En 2025, la compagnie italienne a consolidé sa position avec le transfert d’un contrat de 1,35 milliard de dollars avec Sonatrach.
- Chevron mène des discussions avec les autorités algériennes pour le développement des ressources non conventionnelles, tout comme ExxonMobil qui négocie directement avec Sonatrach.
- Shell a préféré ne pas participer au cycle d’appels d’offres, poursuivant ses négociations bilatérales avec Sonatrach.
- Equinor négocie également directement avec Sonatrach pour prolonger ses contrats existants.
En résumé, les compagnies énergétiques internationales se bousculent pour s’implanter en Algérie. Bien que la volonté de Sonatrach de mener des discussions directes puisse affaiblir le succès des futurs appels d’offres, les deux approches servent le même objectif : attirer plus d’investissements, de connaissances techniques et, au final, augmenter la production de pétrole et de gaz en Algérie.