Par K.B
Au cœur de l’été 2024, un produit inattendu s’est retrouvé sous les feux des projecteurs : la pâte à tartiner El Mordjene. Ce délice chocolaté, fabriqué par l’entreprise algérienne « Cebon », a connu une trajectoire fulgurante, passant en quelques semaines d’un simple produit de consommation à un véritable symbole des tensions économiques entre l’Algérie et la France.
Son interdiction soudaine sur le marché français, a non seulement provoqué l’incompréhension des consommateurs, mais a également soulevé des questions cruciales sur les mécanismes régissant le commerce international, particulièrement au sein de l‘Union européenne (UE). Cette affaire, apparemment anodine, a mis en lumière les jeux d’influence complexes des lobbys agroalimentaires.
Des justifications « incongrues » avancées
En effet, face à cette situation, le ministère français de l’Agriculture a expliqué que la suspension de l’importation de la pâte à tartiner El Mordjene est due à des « déclarations à l’importation erronées ». Cette explication, délivrée dans une déclaration au quotidien Les Echos, a soulevé de nombreuses interrogations. L’affaire a commencé suite à une demande d’information d’un transitaire, responsable des formalités douanières pour les marchandises importées. Une expertise menée par les autorités compétentes en France a conclu que le produit ne remplissait pas les conditions pour être commercialisé sur le marché européen.
Cette interdiction repose sur le règlement européen (UE) 2021/405, qui énumère les pays tiers autorisés à exporter certains produits alimentaires, y compris les produits laitiers. L’Algérie, d’où provient El Mordjene, ne figure pas sur cette liste, car elle ne dispose pas d’établissements agréés pour la transformation de ces produits par l’Union européenne. Cependant, le ministère français a précisé qu’ «aucun risque sanitaire » pour les consommateurs n’a été identifié, ce qui a renforcé l’incompréhension générale, indiquant que l’interdiction ne repose pas sur des raisons sanitaires.
La réaction de « Cebon »
En réaction, Cebon, productrice d’El Mordjene, a réagi par l’intermédiaire de son porte-parole, Ouzlifi Amine. Dans une interview accordée au média Algérie aujourd’hui, il a dénoncé des motifs qu’il juge infondés, tout en précisant que la pâte à tartiner est fabriquée à partir de poudre de lait importée de France, et non d’un pays extracommunautaire. Selon lui, le succès fulgurant d’El Mordjene serait à l’origine de cette polémique, et la mesure serait une tentative pour freiner l’essor de leur produit, perçu comme une menace par les géants de l’industrie, comme Ferrero, fabricant de Nutella.
Ouzlifi a également souligné que la pâte à tartiner El Mordjene a été exportée vers d’autres pays comme les États-Unis et le Canada sans rencontrer de restrictions similaires. Il s’est donc interrogé sur le timing de cette interdiction, la jugeant suspecte : « Pourquoi attendre que le produit connaisse un tel succès pour agir ? »
L’influence des lobbys
L’interdiction d’El Mordjene a provoqué une vive réaction chez ses consommateurs et suscité de nombreuses critiques concernant l’influence des lobbys industriels. Certains analystes suggèrent que cette décision pourrait résulter de pressions visant à protéger les parts de marché des grandes entreprises agroalimentaires. En France, où Nutella domine largement le marché de la pâte à tartiner, l’arrivée d’un concurrent apprécié pour ses qualités gustatives pourrait être perçue comme une menace directe.
Cette théorie a été amplifiée par le soutien de nombreux influenceurs sur les réseaux sociaux à El Mordjene. Certains, iront jusqu’à affirmer que la pâte à tartiner algérienne serait supérieure à Nutella en termes de goût. Ainsi, au-delà des raisons officielles, la suspension de l’importation d’El Mordjene semble mettre en lumière un enjeu commercial plus vaste, où la concurrence entre petits fabricants et grands groupes se déroule dans l’ombre des lobbys industriels.