Les agriculteurs français, et plus particulièrement les céréaliers, récoltent aujourd’hui les fruits amers d’une politique étrangère mal calibrée.
Ainsi, depuis que l’Algérie a mis un terme à l’importation de blé français en 2021, le malaise ne cesse de croître dans la filière céréalière hexagonale. Ce qui n’était qu’un avertissement diplomatique ponctuel est devenu un bouleversement durable aux conséquences économiques sévères.
L’Algérie tourne le dos au blé francais
En effet, longtemps premier client du blé français, l’Algérie n’a pas importé un seul grain venu de l’Hexagone depuis deux campagnes consécutives, dont celle en cours. C’est le constat dréssé par Xavier Cassedanne, ingénieur d’affaires spécialisé grains au Crédit Agricole, cité par le média spécialisé français « Plein Champ ». Ce dernier précise que, pour la campagne 2024-2025, « pas un seul tonneau n’a quitté les ports français à destination de l’Algérie », un constat qui illustre l’ampleur de la rupture.
La situation inquiète profondément les producteurs. La France devrait produire environ 33 millions de tonnes de blé cette année, avec seulement 8 millions de tonnes susceptibles d’être exportées. Un chiffre en baisse notable par rapport à la moyenne des années précédentes. Le retrait algérien du marché pèse lourdement sur les perspectives d’écoulement des stocks, suscitant la crainte d’un excédent invendu à la fin de la saison. D’ailleurs, l’expert l’exprime clairement « ceci laisse peu d’espoir quant au fait que l’Algérie privilégie encore l’origine française dans ses futurs appels d’offres. Ce retrait fragilise considérablement un débouché majeur pour le blé français ».
Une position internationale fragilisée
Au-delà du coup porté au volume des exportations, c’est la position stratégique de la France dans le commerce mondial des céréales qui vacille. L’Hexagone risque de perdre son rang de sixième exportateur mondial de blé au profit de l’Argentine, pendant que l’écart se creuse avec les géants que sont la Russie, l’Australie, le Canada et les États-Unis.
Cette dégringolade trouve son origine dans une crise diplomatique déclenchée par des propos offensants tenus par le président Emmanuel Macron sur l’histoire coloniale algérienne en octobre 2021. En guise de réponse, Alger avait alors décidé de ne pas renouveler ses contrats d’importation avec la France. Jusqu’en 2020, cette dernière fournissait près de 40 % du blé importé par l’Algérie, soit environ 3,2 millions de tonnes par an. C’est dire l’importance stratégique qu’avait ce marché pour les producteurs français.
Une autosuffisance assumée
Mais Alger n’est pas restée immobile. Le pays a rapidement redéfini ses priorités commerciales, en diversifiant ses fournisseurs pour inclure des partenaires comme la Russie, l’Ukraine et le Canada.
Mieux encore, l’Algérie a clairement exprimé sa volonté de renforcer son autonomie alimentaire, en développant massivement sa propre production céréalière. Une ambition réaffirmée par le président Abdelmadjid Tebboune, qui a qualifié l’importation de blé comme étant « une honte », tout en insistant sur l’obligation de valoriser les vastes terres agricoles nationales.
Dans sa dernière allocution face à la presse nationale, le chef de l’État algérien a d’ailleurs annoncé que le pays avait atteint, pour la première fois depuis son indépendance, l’autosuffisance en blé dur. Un tournant majeur pour un pays qui a souffert, des décennies durant, d’un déficit chronique en céréales. Cette réussite s’étend également à la production de maïs, d’orge et de blé tendre, grâce à une nouvelle stratégie agricole misant sur l’extension des surfaces cultivées et le soutien accru aux investisseurs.
Pour les agriculteurs français, cette perte de marché est bien plus qu’une question de chiffres. Elle symbolise le prix payé, à leur corps défendant, d’une politique étrangère déconnectée des réalités économiques. La prochaine campagne s’annonce donc décisive, tant pour les équilibres agricoles que pour la crédibilité diplomatique d’un pays dont les décisions à l’international se répercutent jusque dans les sillons de ses campagnes.

