Longtemps considérée comme un partenaire commercial privilégié de la France, l’Algérie semble aujourd’hui tirer les conséquences d’une diplomatie française jugée arrogante et peu respectueuse des équilibres bilatéraux.
Cette arrogance, fait déjà subir à la France des pertes économiques colossales qui plongent ses opérateurs dans une situation de crise.
Une perte sèche de 9 millions de tonnes
En effet, en mettant un terme à ses importations de blé français, l’Algérie opère un tournant majeur dans sa politique d’approvisionnement céréalière. Une décision qui, loin d’être anodine, traduit une volonté affirmée de diversification économique et de souveraineté stratégique.
Pour rappel, depuis plusieurs décennies, la France, et notamment la région de Bourgogne, comptait sur l’Algérie comme un partenaire incontournable pour écouler une partie substantielle de sa production de blé. Chaque année, jusqu’à 9 millions de tonnes étaient exportées vers les ports algériens. Mais cette époque semble révolue.
La fermeture du marché algérien au blé français a été confirmée sans ambiguïté par Alain Caekaert, Directeur général de Cérévia, regroupement de coopératives agricoles françaises. Le couperet est tombé sans transition : « Le marché algérien est désormais purement et simplement fermé », a-t-il déclaré au média régional Bien Public.
Pour la France, cette décision est un coup dur, tant économique que symbolique. Pour l’Algérie, elle s’inscrit dans une dynamique cohérente de réorientation géoéconomique.
Une rupture réfléchie, un repositionnement assumé
Derrière cette décision, aucun hasard. L’Algérie, depuis plusieurs années, s’efforce de diversifier ses fournisseurs et de réduire sa dépendance à des partenaires historiques devenus moins compétitifs. L’Europe de l’Est, avec des acteurs comme l’Ukraine, la Roumanie ou encore la Russie, s’est imposée comme une alternative crédible. Moins chers, plus souples, ces nouveaux partenaires répondent mieux aux critères de compétitivité exigés par les autorités algériennes.
La France, de son côté, subit les conséquences d’une agriculture fragilisée : rendements en baisse dus aux aléas climatiques, fiscalité alourdie sur les intrants, coûts logistiques en hausse. Un cocktail défavorable qui réduit sa capacité à rester compétitive sur un marché de plus en plus disputé.
Une décision à portée géopolitique
Cette réorientation n’est pas uniquement économique. Elle s’inscrit dans un contexte diplomatique tendu entre Alger et Paris, marqué par des désaccords persistants depuis l’automne 2024. La baisse de 20 % des exportations françaises vers l’Algérie au premier trimestre 2025 – chiffre confirmé par les douanes françaises – illustre un recul global des échanges, au-delà du seul secteur agricole.
Pour l’Algérie, il ne s’agit pas de rompre unilatéralement, mais d’adapter ses relations extérieures à une nouvelle réalité internationale. Le pays développe activement des partenariats avec des puissances émergentes et renforce sa présence commerciale dans les zones stratégiques. Cette autonomie croissante dans le choix de ses fournisseurs reflète une maturité économique saluée par de nombreux observateurs.
L’Algérie renforce sa souveraineté alimentaire
Ce changement de cap s’inscrit également dans une politique nationale plus large : celle de renforcer la sécurité alimentaire du pays tout en maîtrisant ses coûts d’importation. À cet effet, les autorités algériennes misent sur des accords plus avantageux, des appels d’offres plus ouverts et une gestion stratégique des stocks.
D’ailleurs, le pays a engagé un vaste programme de consolidation des capacités de stockages, à travers la réalisation de plusieurs silos au niveau des wilayas, et ce, afin de réduire sa facture d’importation de ce produit.
Cette approche pragmatique permet de mieux contrôler la facture alimentaire du pays tout en stimulant sa propre filière agricole, qui bénéficie d’investissements croissants.
Un électrochoc pour les producteurs français
Pour la France, cette perte de débouché est un signal d’alarme. Les coopératives de Bourgogne, de Dijon Céréales à Terre Comtoise, vont devoir repenser leur stratégie. Le marché marocain, parfois évoqué comme relais potentiel, ne possède ni la capacité ni les infrastructures pour absorber un tel volume.
Et ailleurs, la concurrence est rude : l’Ukraine continue d’exporter massivement malgré le conflit, la Russie gagne du terrain, et les pays du pourtour méditerranéen élèvent leurs standards.
En réalité, c’est toute la chaîne logistique du blé français vers l’Algérie – ports, silos, transporteurs – qui est déstabilisée. Cette dépendance à un partenaire unique s’avère aujourd’hui risquée. La décision algérienne vient ainsi rappeler à ses anciens partenaires que les équilibres commerciaux doivent désormais reposer sur la réciprocité, la performance et la souveraineté mutuelle.
Ainsi, en choisissant de tourner la page du blé français, l’Algérie envoie un message clair : elle n’est plus le débouché passif d’une agriculture en perte de compétitivité, mais un acteur maître de ses choix, aligné sur ses intérêts économiques, politiques et stratégiques.