Entretien réalisé par Ramdane Bourahla
Le Palais de la culture Abdelkrim Dali de Tlemcen, abrite à partir de ce samedi 30 septembre et jusqu’au 3 octobre, les journées architecturales de Tlemcen.
En effet, cet événement, lequel regroupe des architectes de tous horizons, aura pour thème « Patrimoine, architecture et intérêt public ».
Ainsi, ces journées architecturales, sont organisées par l’Association nationale des architectes ( ANA), laquelle est une association « inclusive » du professionnel du secteur.
Au cours de ces rencontres, une quinzaine de communications seront données par ces « artistes de l’urbanisme », comme ils aiment se définir et autres experts du domaine .
Dans cet entretien, accordé à Just-InfoDZ, M. Bouzidi Ahmed, architecte libéral, expert judiciaire près la cour de justice de Bejaïa et membre fondateur et Président actuel de l’Association Nationale des Architectes, nous brosse un état des lieux de la profession d’architecte et sur les objectifs de ces journées d’études.
l’ANA offre le cadre favorable à l’échange et à la réflexion pour débattre de toutes les questions liées à la profession et aux métiers de l’architecture et tous ensemble et contribuer à toutes les initiatives visant la promotion de la qualité architecturale, urbanistique et environnementale
Just-InfoDZ : Pourriez-vous, donner un bref aperçu de votre association ?
- Bouzidi Ahmed : De caractère culturel, scientifique et social, l’ANA a été fondée, le 12 juillet 2021, par un groupe d’architectes algériens. Elle est agréée conformément aux dispositions de la loi 06-12 du 12 janvier 2012 relative aux associations et elle est ouverte à tous les titulaires du diplôme d’architecte ou master en architecture, tous statuts et secteurs d’activités confondus. Que l’on soit architecte exerçant à titre privé, architecte enseignant, architecte fonctionnaire, architecte salarié, architecte entrepreneur, ou architecte à la recherche d’emploi, l’ANA offre le cadre favorable à l’échange et à la réflexion pour débattre de toutes les questions liées à la profession et aux métiers de l’architecture et tous ensemble et contribuer à toutes les initiatives visant la promotion de la qualité architecturale, urbanistique et environnementale, la construction durable, l’utilisation des énergies renouvelables et la rationalisation de la consommation énergétique. Cette association, a organisé nombre d’activités depuis sa création, à l’instar d’une journée d’étude sur le nouveau CCAG, une rencontre débat entre architectes et autres intervenants du cadre bâti, intitulé « Projets d’architectes – de la sélection à la consécration , etc.
La sauvegarde du patrimoine est une question de souveraineté nationale. Comment les architectes peuvent y contribuer ?
Il est important pour nous, de revenir sur le temps et faire des lectures multidisciplinaires, pour la maitrise du projet architectural ou urbain. Ces temporalités sur le parcours de la conception, sont en grande relation avec le patrimoine matériel et immatériel, porteurs des sens de définition et d’identité.
- Pour les architectes, le patrimoine est un référentiel culturel. Il est l’ancrage inestimable, qui fait notre identité et qui doit nous permettre de la projeter au futur. Il est important pour nous, de revenir sur le temps et faire des lectures multidisciplinaires, pour la maitrise du projet architectural ou urbain. Ces temporalités sur le parcours de la conception, sont en grande relation avec le patrimoine matériel et immatériel, porteurs des sens de définition et d’identité. Dans cette période de négligence et de perte des sites historiques, la sauvegarde du patrimoine, en Algérie, pourrait avoir plusieurs sens sur les plans d’action des architectes. Elle ne doit guère se limiter à la restauration ou à la réhabilitation des vestiges en ruines. Elle ne doit pas également, prendre la forme d’une reproduction de l’ancien. Néanmoins elle doit se propager vers sa transmission et son développement pour les générations futures, sous une optique d’ouverture sur les enjeux de la science et de la technologie, et en fonction des mutations des modes de vie.
Comment peut-on selon vous garder un certain « cachet » de nos villes, tout en épousant l’esthétique de la modernité ?
pour pouvoir garder un « cachet », nous devons aller en profondeur et communiquer avec les lieux. Ceci nous ramène à dire, qu’il faut sortir d’une projection du sol à une projection de vie.
- La ville est un système assez complexe. Cependant, il est dans sa globalité une traduction des qualités humaines dont la dimension socioculturelle est le grand élément porteur. Les établissements humains, dans le temps, étaient en entente avec leur environnement et tenaient beaucoup à une relation de subsistance qui permettait leur coexistence et leur durabilité. La ville moderne est un fantasme du numérique et de la technologie qui, en réalité, ne forment pas un obstacle devant la préservation de la qualité identitaire. Ainsi, pour pouvoir garder un « cachet », nous devons aller en profondeur et communiquer avec les lieux. Ceci nous ramène à dire, qu’il faut sortir d’une projection du sol à une projection de vie. La ville pour ses usagers n’est plus un simple remembrement. Il s’agit d’une interaction dynamique qui ramasse le social, le culturel et le sensible en un tout effervescent. Et pour l’architecte, elle est l’interdisciplinarité qui fait de l’espace un contenant vivant défini dans le temps et dans l’espace aux attributs propres de définition et d’appartenance, sans pour autant ôter les influences de la modernité ni celles du développement de la science.
Vous êtes considéré comme étant des artistes du milieu urbain. Or, vos talents, sont souvent dénaturés, voire marginalisés. Un sentiment à ce sujet ?
- Le processus relatif à la production urbaine et architecturale est très dépendant de la volonté humaine et du système d’information lui permettant les bonnes décisions, les meilleures conduites et la clarté des finalités. Actuellement, il est fait face à une grande pression accentuant l’intérêt de la quantité dans la production spatiale. Cette situation véhicule une précipitation vers le nombre et un désengagement de la qualité. Ce que nous vivons est le résultat inévitable. Les architectes, face à cette situation d’inquiétude et de regret, reviennent sur sa causalité chaque fois que l’occasion leur donne une aire de débat. Si leurs talents sont dénaturés, marginalisés ou, dans la plupart des cas, absents, c’est qu’une inadéquation avait pris place dans le processus de la production architecturale et urbaine. Pour en faire face, trois contextes font l’intérêt primordial de notre association : le contexte de formation, le contexte professionnel et le contexte règlementaire. L’espoir que nous véhiculons ne se réalise pas par la rédaction d’une loi. Il consiste à semer la culture de responsabilité, d’engagement et de volonté envers nos conceptions et interventions qui façonneront nos villes de demain.
Des attentes particulières au sujet de la future loi sur l’urbanisme ?
Nous avons proposé au législateur d’intégrer les grands changements climatiques ; la ville en Algérie est responsable de plus de 70 % des émissions à effet de serre, et les constructions en Algérie consomment énormément de l’énergie finale produite et ces mêmes constructions dissipent plus de 60 % de cette énergie.
- Nous attendons de cette loi qu’elle mette l’accent sur l’environnement bâti et non seulement sur les procédures. Nous souhaiterions également, la mise en place d’un permis de construire (ou de lotir), lequel ne doit pas être considéré comme uniquement une procédure administrative. En outre, outre corporation attend de cette de cette future loi, de prendre en charge l’environnement culturel de chaque région, la diversité culturelle est une réalité ancrée en Algérie et la loi sur l’urbanisme ou sur l’architecture doit prendre en charge cette diversité. Nous avons proposé au législateur d’intégrer les grands changements climatiques ; la ville en Algérie est responsable de plus de 70 % des émissions à effet de serre, et les constructions en Algérie consomment énormément de l’énergie finale produite et ces mêmes constructions dissipent plus de 60 % de cette énergie. Enfin, nous espérons que le futur texte de loi, va projeter la ville vers le futur et non pour régulariser « des coups partis ».
R.B