Un an après l’adoption de la loi sur la monnaie et le change, force est de constater que les promesses de transformation du paysage financier restent lettre morte.
Cette législation, censée moderniser les échanges financiers et stimuler plusieurs secteurs économiques, n’a toujours pas abouti à l’ouverture des bureaux de change tant attendus.
Ainsi, malgré un cadre réglementaire complet et des déclarations officielles répétées, le projet semble enlisé, laissant le marché noir des devises continuer de prospérer et les acteurs économiques dans un état d’incertitude permanente. Entre annonces gouvernementales et réalité du terrain, l’écart se creuse, révélant les défis profonds de la transformation économique en Algérie.
Un cadre juridique prêt mais…
En effet, la réglementation encadrant la création des bureaux de change en Algérie existe déjà. Il s’agit de la Loi sur la monnaie et le change n° 23-09 du 21 juin 2023, notamment son article 91, paragraphe 2, qui précise les modalités de mise en place de ces structures.
Dans cette continuité, la Banque d’Algérie a adopté le règlement n° 23-01 du 21 septembre 2023, qui établit les conditions d’octroi des licences nécessaires à leur création et exploitation. L’article 2 de ce règlement détaille les modalités des opérations de vente du dinar algérien contre des devises librement convertibles, visant à faciliter l’accès des résidents aux services des bureaux de change.
Les articles 3 et 4, quant à eux, décrivent les étapes requises pour demander une licence, en clarifiant les procédures et en réduisant les délais d’obtention. Enfin, le règlement précise les modalités pour soumettre une demande d’agrément auprès du gouverneur de la Banque d’Algérie.
Des promesses éculées
Les promesses concernant l’ouverture des bureaux de change en Algérie se sont multipliées, mais leur concrétisation reste inexistante. Le 27 avril 2024, le ministre des Finances avait abordé ce sujet lors des réunions de printemps du Groupe de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) à Washington. Il avait alors affirmé que l’instruction de la Banque d’Algérie (BA) relative aux bureaux de change était prête et que leur lancement n’attendait plus que la signature imminente. Cependant, aucune action n’a suivi.
Plus tard, le 3 août 2024, le même ministre, en réponse à une question écrite d’un député, avait indiqué que la Banque d’Algérie examinerait les demandes d’accréditation pour ces bureaux, tout en précisant que des préparatifs étaient en cours pour déployer un réseau national.
Dans le même sillage, le ministre des Finances avait indiqué que le projet de système de la Banque d’Algérie relatif aux bureaux de change a été étudié et approuvé par le Conseil monétaire et bancaire, lors de sa session ordinaire tenue le 21 septembre 2023, puisqu’elle vise à adopter ce projet, dans sa première phase, et à créer les conditions pour favoriser le déploiement d’un réseau national de bureaux de change pour faciliter les opérations de change à grande échelle.
Les conditions de mise en œuvre de ce système seront déterminées selon une instruction de la Banque d’Algérie et, sur cette base, les dossiers répertoriés pour l’ouverture de bureaux de change seront examinés par la Banque d’Algérie qui délivrera les autorisations pour exercer cette activité. Là encore, rien de concret n’a été fait, et aucune date précise n’a été annoncée pour la concrétisation de ces bureaux, laissant planer le doute sur la volonté réelle des autorités de mettre en œuvre cette réforme.
La sonnette d’alarme tirée !
Face à ces reculades, le président de la Commission des finances et du budget de l’Assemblée populaire nationale (APN), Oussama Arbaoui, a interpellé, le 4 octobre dernier, le ministre des Finances Laaziz Fayed ainsi que le gouverneur de la Banque d’Algérie, Salah Eddine Taleb. Le parlementaire leur a demandé d’accélérer l’ouverture des bureaux de change en Algérie. De son côté, le député Zighoud Youcef a souligné que les textes réglementaires nécessaires étaient désormais prêts.
Avec un cadre législatif désormais en place, Arbaoui estime qu’il est temps d’agir pour lutter contre le marché noir des devises. Selon lui, l’installation de bureaux de change légaux pourrait stimuler l’économie nationale en ouvrant de nouvelles perspectives aux investisseurs et en créant des opportunités sur le marché local.
Le président de la Commission des finances et du budget affirme que l’ouverture de bureaux de change renforcerait l’économie et améliorerait l’efficacité du marché des changes, une initiative qui s’inscrit parfaitement dans la vision de l’Algérie, axée sur l’encouragement des investissements locaux.
De son côté, Mustapha Zebdi, président de l’APOCE, a également tiré la sonnette d’alarme dans une publication sur sa page Facebook, en soulignant la « hausse record et sans précédent du taux de change de l’euro sur le marché noir », accompagnée d’une rareté de l’offre, ce qui fait grimper davantage les prix. Il a insisté sur le fait que l’ouverture accélérée des bureaux de change est devenue une nécessité économique.
Pendant ce temps…Le « Square » fait des ravages!
Pendant ce temps, l’économie parallèle continue de prospérer. Le marché noir du change, symbolisé par le célèbre « Square » d’Alger, opère toujours en toute impunité, échappant au contrôle des autorités. D’ailleurs, le taux de change atteint des sommets vertigineux puisque 1 Euro s’échange contre 260 da.
Ainsi, ce projet, initialement présenté comme une révolution dans le paysage financier algérien, semble aujourd’hui être un énième exemple de promesses non tenues, laissant les investisseurs, les citoyens et les observateurs économiques dans un état de frustration et d’expectative. La question demeure : quand le gouvernement passera-t-elle enfin des promesses aux actes ?