Le refus cinglant d’Emmanuel Macron de recevoir son propre ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, jeudi dernier, continue d’alimenter les spéculations au sein de la classe politique française et de raviver les tensions autour de la gestion calamiteuse de la crise diplomatique avec l’Algérie.
Ainsi, ce rendez-vous, pourtant annoncé et très attendu, devait marquer un tournant dans ce que Paris qualifie de « réponse graduelle » face à Alger. Mais il s’est transformé en un camouflet politique majeur.
Un rendez-vous avorté lourd de symboles
En effet, Bruno Retailleau comptait soumettre au président de la République un ensemble de propositions musclées, sinon provocatrices, à l’égard de l’Algérie, sur fond d’affaires instrumentalisées telles que le cas de l’écrivain Boualem Sansal ou encore celui des migrants. Mais c’est finalement le Premier ministre, François Bayrou, qui a été chargé de le recevoir – un désaveu clair, brutal et assumé.
Selon le journal L’Opinion, deux raisons expliquent ce rejet présidentiel : d’une part, l’interview donnée par Retailleau à Valeurs Actuelles, dans laquelle il enterre littéralement le « macronisme » et nie il n’y avoir jamais cru ; d’autre part, une charge virulente contre la politique algérienne de Macron dans Le Figaro, qualifiée par Retailleau d’« échec de la diplomatie de bonne volonté ».
Une fracture profonde
Le courroux du chef de l’État ne s’est pas fait attendre. Comment tolérer que de telles critiques viennent d’un membre de son propre gouvernement, qu’il a lui-même nommé ? Macron s’interroge : Retailleau parle-t-il en tant que ministre, en tant que chef du parti Les Républicains, ou en tant que futur candidat à la présidentielle de 2027 ? Le flou est total. L’ambition personnelle semble l’avoir emporté sur la solidarité gouvernementale.
L’incident dépasse cependant les querelles d’ego. Il révèle une fracture profonde dans la gestion de la crise avec Alger. En effet, ce refus d’audience intervient au moment même où l’Algérie, décide de retirer aux diplomates français les facilités d’accès aux aéroports et aux ports du pays. Une décision annoncée officiellement samedi 26 juillet 2025, au nom du principe de réciprocité, en réponse aux provocations répétées de Paris.
Deux visions irréconciliables
Quelques jours plus tôt, Macron avait déjà vertement critiqué Retailleau en Conseil des ministres, notamment pour son échec à enrayer la violence en France. Mais cette critique n’était qu’un prélude : la véritable rupture s’est jouée autour de la gestion du dossier algérien, où Retailleau comptait exploiter la faiblesse actuelle du camp présidentiel et la fragilité du gouvernement à l’Assemblée pour faire avancer sa propre ligne dure.
Deux visions irréconciliables s’affrontent désormais au sommet de l’État : d’un côté, le président Macron et son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, misent sur l’apaisement et le dialogue ; de l’autre, Retailleau et François Bayrou prônent l’escalade, une stratégie de confrontation qui a d’ores et déjà coûté cher à la diplomatie française. L’échec patent de Macron dans l’affaire Boualem Sansal ou sur les expulsions de migrants algériens en témoigne.
Macron hésite à trancher
D’ailleurs, les sorties médiatiques de Retailleau, dirigées contre Alger, relèvent en réalité d’une manœuvre électoraliste : faire oublier son propre fiasco au sein du gouvernement, notamment son incapacité à procéder à des expulsions dans le respect du droit international.
En attendant que Macron tranche sur l’avenir de son ministre de l’Intérieur, c’est l’ensemble de la politique étrangère française qui semble paralysée, prise en étau entre des ambitions personnelles, un gouvernement divisé et une présidence affaiblie. La crise avec l’Algérie, loin d’être un simple différend diplomatique, agit comme un révélateur brutal du chaos qui règne aujourd’hui à Paris.