La décision unilatérale de l’administration Trump d’imposer, à partir d’avril 2025, de nouveaux droits de douane sur la quasi-totalité des importations américaines a provoqué une onde de choc planétaire.
Ainsi, présentée comme une réponse au déficit commercial abyssal des États-Unis, cette politique marque un tournant brutal dans les relations commerciales internationales.
L’Algérie, bien que peu exposée en termes de volumes, n’échappe pas aux conséquences d’une telle reconfiguration des équilibres mondiaux. C’est le constat dressé par le Cercle d’action et de réflexion pour l’entreprise (Care).
Exportations Algériennes : Risque d’arrêt brutal
En effet, à travers un tarif dit « réciproque » oscillant entre 11 % et 50 %, Washington entend faire payer à ses partenaires commerciaux leur excédent dans la balance bilatérale. Pour l’Algérie, ce tarif a été fixé à 30 %, bien que suspendu temporairement par un moratoire de trois mois annoncés le 10 avril dernier. Durant cette période de sursis, un droit de douane uniforme de 10 % est appliqué à toutes les importations, à l’exception notable de la Chine qui demeure sous sanctions renforcées.
Les échanges commerciaux entre l’Algérie et les États-Unis, bien qu’en baisse, restent selon la même source, significatifs. En 2024, les exportations algériennes vers le marché américain ont atteint 2,54 milliards de dollars. Elles sont largement dominées par les hydrocarbures, qui représentent à eux seuls 82 % du total, notamment le pétrole brut et les distillats.
Ces produits ne sont pour l’instant pas concernés par les nouveaux tarifs américains, ce qui constitue un soulagement momentané pour les finances du pays. Cependant, cette exemption n’a rien de garanti sur le long terme, puisque Washington se réserve le droit de la remettre en question à tout moment si elle estime que l’Algérie n’assouplit pas suffisamment l’accès à son propre marché pour les produits américains.
Les exportations hors hydrocarbures en ligne de mire
Les exportations algériennes hors hydrocarbures, bien que modestes en valeur absolue, sont quant à elles en ligne de mire. Des produits comme l’urée, les ciments, les barres d’acier, l’ammoniac ou encore les dattes sont directement exposées à une hausse potentielle des tarifs douaniers pouvant atteindre 30 %, voire plus dans certains cas.
En 2024, l’urée a généré 157 millions de dollars d’exportations vers les États-Unis, tandis que les ciments, en nette progression, ont atteint 64,6 millions. Les exportations de barres en acier, qui représentaient plus de 300 millions en 2022, se sont effondrées à 53,5 millions seulement en 2024, avant même l’application des surtaxes. Quant aux dattes, elles ont franchi le seuil symbolique des 15 millions de dollars. Tous ces secteurs, considérés comme prometteurs pour la diversification de l’économie nationale, risquent un coup d’arrêt brutal si les nouvelles taxes sont maintenues après juillet.
L’effet indirect
Au-delà des tarifs eux-mêmes, c’est l’effet indirect de cette guerre commerciale qui inquiète le plus les analystes algériens. La désorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales, conjuguée aux menaces de représailles commerciales entre grandes puissances, a déjà provoqué une baisse rapide des cours du pétrole.
Pour une économie comme celle de l’Algérie, où plus de 95 % des recettes d’exportation proviennent des hydrocarbures, cette tendance constitue un danger majeur. La perte de revenus extérieurs, associée à une inflation importée, pourrait replonger le pays dans une période d’ajustements économiques douloureux.
Une « riposte » diplomatique s’impose
Face à ces menaces, une riposte diplomatique s’impose. Le moratoire de trois mois décidés par Washington constitue une fenêtre étroite mais cruciale pour engager une négociation bilatérale visant à préserver l’accès du marché américain à certains produits algériens stratégiques. Une telle démarche nécessite une préparation rigoureuse, impliquant à la fois les autorités commerciales et les entreprises exportatrices concernées.
L’Algérie, régulièrement pointée du doigt dans les rapports de l’USTR (Bureau du représentant Américain au Commerce) pour des restrictions jugées excessives à l’égard des exportations américaines, devra également procéder à une évaluation formelle des griefs formulés à son encontre afin de lever les éventuelles barrières et faciliter un dialogue constructif.
Que faire ?
Au-delà de la relation algéro-américaine, ce bouleversement remet en question l’architecture même du commerce mondial. En s’attaquant frontalement au système multilatéral de l’OMC qu’ils ont pourtant contribué à bâtir, les États-Unis adoptent une posture qui accroît l’incertitude et affaiblit la confiance dans les règles internationales.
Dans ce contexte, l’Algérie doit faire selon le Care preuve d’une vigilance accrue vis-à-vis de ses deux principaux partenaires commerciaux que sont l’Union européenne et la Chine, eux-mêmes directement ciblés par les nouvelles taxes américaines. La mise en place d’un mécanisme national de veille stratégique sur l’évolution des règles du commerce international apparaît désormais comme une nécessité.
Enfin, cette crise tarifaire mondiale agit comme un révélateur impitoyable de la vulnérabilité de notre économie nationale. Elle rappelle, une fois de plus, l’urgence d’engager les réformes structurelles qui permettront de diversifier nos exportations, de renforcer notre appareil productif et de réduire notre dépendance à un marché pétrolier de plus en plus imprévisible. La sortie de cette crise pourrait bien être une opportunité déguisée, à condition d’y répondre avec lucidité, volontarisme et anticipation.