Gamal Abina à propos du retrait de la France du Niger « La France a été mise devant le fait accompli »

Gamal Abina à propos du retrait de la France du Niger «  La France a été mise devant le fait accompli »

Entretien réalisé par Saliha Ait-Saïd

Jamais deux sans trois, dit l’adage.  Le président Emmanuel Macron, a annoncé dimanche 25 septembre à la télévision française, après plusieurs semaines de tensions entre Paris et Niamey, le retrait de ses forces militaires du Niger  

Ce retrait, fait suite par ailleurs, à des mois de protestations contre la présence française, avec des manifestations régulières dans la capitale Niamey.

Pour rappel, la France a maintenu quelque 1 500 soldats au Niger,  et depuis le coup d’État de juillet dernier contre le président Mohamed Bazzoum, la France a refusé à plusieurs reprises l’ordre de la nouvelle autorité du pays de quitter le Niger, affirmant qu’elle ne reconnaissait pas la légitimité des putschistes.

Ce retrait, constitue un  « coup de massue » à la politique de la France en Afrique et Sahel en particulier.

Ainsi, Après le retrait des troupes françaises du Mali et du Burkina Faso, le Niger emboîte le pas à ses voisins.

Dans cet entretien accordé à Just-infoDZ, Gamal Abina, journaliste indépendant et analyste politique, revient sur ce revirement qui se traduit presque par « l’échec de la France » au Sahel, à la lumière  des dernières évolutions que connait la région

Just-infoDZ: Avec ce retrait, peut-on dire que c’est la fin du bras de fer entre Niamey et Paris ?

Les intérêts français dans la région restent très importants particulièrement dans le secteur connu du phosphate. Tant que les intérêts de la France ne sont pas en danger et tant que la société Orano ( Ex-Areva), n’est pas inquiète dans l’exploitation de ce minerai énergétique précieux, il y a fort à parier que la France n’intervienne jamais militairement.

  • Gamal Abina : Le retrait des troupes du Niger, annoncé par Monsieur Macron dans son allocution télévisée sur TF1, confirme simplement que la volonté du chef de l’État français depuis six ans n’est pas caractérisée par les interventions militaires. Il a toujours été très réceptif à cela, lorsqu’il est arrivé aux affaires, il avait proposé la réduction du budget des armées, en bon gestionnaire, afin de rétablir les comptes de l’État. L’idée que le bras de fer entre les autorités françaises et le Niger cesse est une réalité. Les intérêts français dans la région restent très importants particulièrement dans le secteur connu du phosphate. Tant que les intérêts de la France ne sont pas en danger et tant que la société Orano ( Ex-Areva), n’est pas inquiète dans l’exploitation de ce minerai énergétique précieux, il y a fort à parier que la France n’intervienne jamais militairement. Le retour du président Bazoum est réclamé, mais me semble compromis, les Français le savent.

Quel mécanisme sera adopté pour ce départ ?

  • Le retrait se fera sur un calendrier le 3 mois qui sera certainement négocier avec les nouvelles d’autorité du Niger 

Que signifie de départ de l’ambassadeur ?

  • Le départ de l’ambassadeur était une exigence de l’État nigérien. L’acceptation de cette exigence conduit  à penser que les autorités françaises acceptent elles aussi la nouvelle réalité politique du pays

Est-ce que les troupes françaises se sont définitivement retirées du Sahel ?

  • Sur la question des troupes françaises qui se seraient retirées définitivement du Sahel on se rend compte qu’il y avait déjà eu un retrait anticipé du Mali puis du Burkina. L’essentiel des troupes ont été concentrées au Niger et avec le départ du Niger l’essentiel de la force Berkane aura disparu de la région. En définitive les pressions internationales Algérie États-Unis Russie – Italie, on s’en doute accélérer ce processus. 

La France-Afrique c’est aussi le Niger, à votre avis qu’implique ce départ ?

  • La France Afrique c’est aussi le Niger, certes, mais aussi et surtout les pays francophones, dont certains ont préféré rejoindre le Commonwealth pour en finir mais la France Afrique. C’est beaucoup plus que cela !  C’est d’abord, le contrôle de la politique par la langue française, le contrôle des élections par les acteurs plutôt favorables à Paris, le contrôle du pays par cette monnaie Néo colonial qu’on appelle le  franc CFA, et bien sûr le contrôle direct ou indirect de l’exploitation minière pétrolière gazières de ces pays avec un maintien pratiquement féodal des anciennes colonies françaises. 

Quelles conséquences sur les relations entre la France et le Sahel ? Quid des contrats économiques ?

Les principales conséquences mesurables dans la relation française sont une « perte de prestige » de la puissance militaire française, une perte d’influence politique évidente au profit d’autres acteurs comme les Russes, les Chinois, les États-Unis ou simplement des acteurs régionaux, mais surtout une image dégradée dans la région de l’ancienne puissance coloniale

  • Les principales conséquences mesurables dans la relation française sont une « perte de prestige » de la puissance militaire française, une perte d’influence politique évidente au profit d’autres acteurs comme les Russes, les Chinois, les États-Unis ou simplement des acteurs régionaux, mais surtout une image dégradée dans la région de l’ancienne puissance coloniale qui se comportait depuis 60 ans comme des néo colons. Plus encore, cet ancien empire colonial d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale avec des manifestations qui se sont multipliées contre la présence française militaire, on soude des pays qui n’étaient pas nécessairement alliés avant les tensions et les coups d’État. Cela a aussi remis en cause le principe et les fonctionnements de la CEDEAO qui avec sa tentative de chantage s’est totalement discrédité durant l’été dernier. La menace d’intervention militaire qui ne s’est pas suivie des faits, a démontré la faiblesse de cette organisation économique et l’influence un peu trop importante de la France avec des présidents comme Alassane Dramane Ouattara.

La réponse du Niger à ce retrait est sans équivoque. Un éveil africain est en marche ?

La prochaine étape, nous l’espérons tous, sera la fin du franc CFA et la reprise de souveraineté par ces pays de leur création de richesse monétaire et une réappropriation de leur culture et de leur langue.

  • On peut considérer que l’influence française, est en perte de vitesse. Le président Macron n’est pas un va-t’en guerre, et de ce fait, c’est une occasion ou une chance extraordinaire pour l’Afrique de se saisir de la possibilité de reprendre son destin en main. En effet, le néocolonialisme, a empêché l’Afrique de se développer et à alimenter directement ou indirectement des conflits régionaux frontaliers ethnique ou religieux. Mais surtout, elle a freiné le développement normal de cet immense continent potentiellement le plus riche de la terre et dans les faits les plus pauvres. Le courant panafricaniste, a aussi capitalisé sur ce rêve voulu par l’Algérie, Patrice Lumumba ou Thomas Sankara, et avec la perte d’influence française l’espoir d’une Afrique nouvelle est largement autorisé aujourd’hui. L’autre aspect positif, c’est le choix des partenaires internationaux, qui peut-être se comportent mieux que cette France donneuse de leçons est prédatrice pour les richesses de ces pays. La prochaine étape, nous l’espérons tous, sera la fin du franc CFA et la reprise de souveraineté par ces pays de leur création de richesse monétaire et une réappropriation de leur culture et de leur langue. C’est, si je puis m’exprimer de la sorte, « tout le mal » qu’on peut souhaiter à un continent en devenir et à une Afrique nouvelle que nous appelons de nos vœux.

S.A.S

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