Rare voix dans le microcosme politique parisien, s’il en reste d’ailleurs, est-il légitime de s’interroger devant le silence placide ou complice des hommes politiques français, Dominique de Villepin a appelé la communauté internationale à ne plus se taire devant « l’inacceptable » : ce qui se passe à Ghaza.
Ainsi, dans une tribune parue hier dans le journal Le Monde, l’ancien chef de la diplomatie française, réputé pour son humanisme, pointilleux sur le respect du droit international, assène une vérité, « un crime a lieu à Gaza, un crime de génocide ». Sans équivoque.
Ghaza, un Srebrenica décuplé
En effet, s’appuie l’ancien premier ministre sous la présidence de Jacques Chirac, « des voix de plus en plus nombreuses, y compris parmi les historiens et les associations israéliennes, se lèvent pour le dire, et je mesure et j’admire le courage qu’il faut pour le faire, à l’image d’Omer Bartov et d’Amos Goldberg, ou de B’Tselem et de Médecins pour les droits humains ».
Le crime de Ghaza, grâce notamment aux médias et ONG israéliens, est devenu visible dans toute son horreur. Horreur qui rivalise, a rappelé à juste titre M de Villepin, « le génocide de Srebrenica de juillet 1995, qui conduisit à la disparition de 8 000 hommes et garçons musulmans de Bosnie et au déplacement forcé de 30 000 personnes, je comprends désormais comment ce qui me semblait impossible hier est possible aujourd’hui ». Et de dénoncer : « Je comprends que le silence, l’aveuglement volontaire, la paralysie morale, bien plus que des faiblesses humaines, sont les conditions mêmes par lequel le génocide est possible ».
Un « devoir moral absolu d’agir »
Dans son propos, celui qui a tenu tête, à la tribune de l’ONU, au mensonge de Collin Powell sur les ADM de l’Irak, en 2003, invite à ne plus se taire, parce que se taire peut s’avérer une complicité, à ne pas regarder ailleurs, et à « appeler les choses par leur nom » : « Un génocide se déroule à Gaza ». Il dénonce également une volonté du gouvernement Netanyahou avec la complicité de l’administration américaine et des états européens « le projet d’effacer tout un peuple ». Ainsi que l’indifférence généralisée qui entoure ce projet criminel et odieux.
Devant cette complicité passive, le fondateur du parti La France Humaniste préfère la voie morale, même si a disparu chez de nombreux responsables occidentaux, en s’adressant directement « aux consciences, aux peuples, aux Etats, pour que soient enfin rompus le silence et l’inaction. Pour que chacun, intellectuel, artiste, citoyen, là où il est, prenne position clairement, fermement, immédiatement ». « Nous avons le devoir moral absolu d’agir, de parler, de nous opposer à cette folie meurtrière qui se déroule devant nous », a écrit de Villepin pour resituer les responsabilités et les devoirs de responsabilité des leaders.
Il invitera par ailleurs, les états, dont la France, aveuglés et silencieux devant le drame des palestiniens, à retrouver « la parole perdue de l’honneur, celle qui refuse le génocide, celle qui refuse l’inhumain ». Celle qui pousse à agir pour « protéger les vies humaines, empêcher l’irréparable, préserver l’humanité en chacun de nous », est-il écrit dans le message.
Des pistes pour faire pression sur Israël
De Villepin propose ainsi des pistes pour contraindre le gouvernement israélien à observer un cessez-le-feu, arrêter de défier et d’empiéter le droit international et l’amener à accepter la solution proposée par la communauté internationale : un Etat palestinien souverain aux cotés de l’Etat d’Israël. « Nous savons que nos Etats sont en mesure d’apporter des réponses concrètes », dit-il en connaissance de cause, lui qui a eu à occuper des postes de responsabilité durant sa carrière politique.
Suspendre l’accord d’association avec l’Union européenne, soutenir « la poursuite effective des responsables israéliens devant la Cour pénale internationale et en appliquant ses mandats d’arrêt ». Organiser « l’acheminement de l’aide humanitaire par le biais d’une intervention armée légitime, motivée par le devoir international de protéger les populations civiles » pour mettre hors jeu l’armée israélienne qui utilise l’arme de l’aide et poursuit ses frappes contre les personnes devant les centres de distribution de cette aide.
Ouvrir « les portes de Gaza aux journalistes du monde entier car, plus que jamais, nous avons le droit et le devoir de savoir ; en amplifiant, enfin, la mobilisation internationale pour la reconnaissance d’un Eta palestinien viable, capable de protéger ses citoyens et de vivre en paix et en sécurité aux côtés d’Israel », a-t-il plaidé. A condition, a-t-il souligné, que l’action soit collective. « Seuls, nous ne pouvons rien. Ensemble, nous pouvons tout », conclut-il son appel.
