Alors que la République française traverse une zone de turbulence politique, les regards des observateurs des relations franco-algériennes se tournent vers le Palais de Matignon, où Sébastien Lecornu vient tout juste de succéder à François Bayrou.
Ainsi, cette nomination, hautement symbolique, soulève de nombreuses interrogations sur la future orientation de Paris vis-à-vis d’Alger.
Un profil politique marqué par la droite républicaine
En effet, Sébastien Lecornu, ex-ministre des Armées, est décrit par la chaîne France 24 comme une « copie conforme » d’Emmanuel Macron. Fidèle du président depuis son accession à l’Élysée en 2017, Lecornu a occupé successivement plusieurs postes de poids : ministre des Outre-mer, ministre chargé des Collectivités territoriales, puis ministre des Armées dans le dernier gouvernement.
Cependant, cette proximité avec Macron ne signifie pas nécessairement une convergence idéologique. Avant de rejoindre le parti présidentiel « Renaissance » en 2017, Lecornu était membre de l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP), devenue Les Républicains, un parti enraciné dans la tradition gaulliste. Cette filiation à la droite conservatrice française, aujourd’hui menée par Bruno Retailleau, se reflète dans ses choix politiques et son positionnement idéologique.
Un « Retailleau-bis »à Matignon
Retailleau lui-même a salué la nomination de Lecornu, le qualifiant de « politicien non-gauchiste », ce qui renforce l’idée que le nouveau Premier ministre reste profondément ancré dans les valeurs de la droite, notamment celles teintées d’un certain héritage impérial et colonial, encore prégnant dans certains cercles conservateurs français.
Lecornu n’est pas un inconnu pour les autorités algériennes. En tant que ministre des Armées, il s’est exprimé en janvier 2025 dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, où il n’a pas mâché ses mots à l’égard d’Alger. Il y dénonçait ce qu’il appelait « l’exploitation des attaques contre la France à des fins de politique intérieure par une partie de la classe politique algérienne », tout en condamnant les « sentiments anti-français » de plus en plus répandus en Algérie.
Des déclarations qui ravivent les tensions
Ces propos avaient alors contribué à une détérioration immédiate du climat bilatéral. L’Algérie avait réagi fermement en refusant d’accueillir Boualem Doualmen, un influenceur franco-algérien expulsé de France par Bruno Retailleau, alors ministre de l’Intérieur, dans des conditions jugées contraires aux conventions diplomatiques, notamment la Convention de Vienne de 1961.
Malgré la montée des tensions, Lecornu avait néanmoins appelé à ne pas rompre les ponts sécuritaires et de renseignement entre Paris et Alger, plaidant pour une coopération minimale même en période de crise.
Une ligne dure en perspective ?
Si Lecornu appartient désormais au camp présidentiel centriste, ses antécédents politiques et idéologiques révèlent une inclinaison persistante vers la droite dure. Il a notamment travaillé aux côtés de François Fillon, l’ancien Premier ministre dont la carrière s’est arrêtée en 2017 après le scandale des emplois fictifs de son épouse, Penelope Fillon. C’est après cette affaire que Lecornu a rejoint Emmanuel Macron.
Autre élément notable : le nouveau chef du gouvernement a reçu une éducation catholique stricte dans un établissement privé confessionnel. Une formation conservatrice qu’il partage avec d’autres figures du camp droitier comme Bruno Retailleau, souvent accusé de porter un discours inspiré par une vision civilisationnelle des relations internationales, où les clivages religieux et culturels jouent un rôle central.
Cette trajectoire pourrait faire de Lecornu un pont entre Macron et les droites traditionnelles, mais elle laisse également présager la poursuite d’une politique ferme, voire rigide, envers l’Algérie, au moins tant qu’il occupera les fonctions de Premier ministre.
Quel avenir pour la relation franco-algérienne ?
Alors que l’Algérie et la France peinent à refermer les blessures historiques et à bâtir un partenariat apaisé, l’arrivée de Sébastien Lecornu à la tête du gouvernement français pourrait geler, voire complexifier davantage les dynamiques diplomatiques. Le climat actuel, déjà alourdi par des gestes jugés hostiles de part et d’autre, risque de se tendre davantage si aucune volonté politique nouvelle ne vient corriger la trajectoire.
L’équation est donc délicate : si Lecornu parvient à incarner l’équilibre entre fermeté et ouverture, il pourrait contribuer à dénouer une partie des tensions. Mais si ses positions passées restent inchangées, la crise algéro-française pourrait s’inscrire dans la durée, au détriment des deux peuples, sur les plans économique, social et culturel.