Les dirigeants des cinq pays constituant le bloc des BRICS continuent de dessiner les contours de ce que le « monde de demain » sera fait. Ils débattent depuis mardi sur les grandes lignes du « multipolarisme » prôné par ce conglomérat, mais aussi trancher sur l’élargissement à d’autres pays.
Dans cet entretien, le Professeur Mourad Kouachi, universitaire et expert international en économie donne des indicateurs sur le groupe des BRICS, ses objectifs à court et moyen terme et aussi et surtout les atouts et les apports que l’Algérie si elle rejoignait ce conglomérat des puissances émergentes.
Just-infodz: Tout d’abord que pensez-vous des chances de l’Algérie à intégrer les BRICS? Et qu’elle sont ses atouts ?
Si d’autres pays comme l’Algérie, l’Arabie Saoudite, rejoignent l’Iran, le groupe des Brics, il pourra se targuer de posséder 50% des réserves énergétiques mondiales et de ce fait, il pourrait contrôler les marchés énergétiques mondiaux
- Mourad Kouachi: Elles sont grandes! Ainsi, il est indéniable que notre pays a fait de gros efforts , notamment sur le plan diplomatique. Le président Tebboune, a effectué des visites stratégiques en Russie, Chine et notre diplomatie s’est mise en branle avec les autres pays des BRICS. De plus, les indicateurs économiques de l’Algérie ont connu une avancée significative ces deux dernières années. On peut citer une croissance économique en hausse, un PIB de 225 milliards de dollars, 0% d’endettement. Il y’a aussi l’emplacement géographique de l’Algérie. C’est littéralement le portail de l’Afrique, notamment pour la Chine. Sur un autre volet, l’Algérie est une puissance énergétique non-négligeable. Si d’autres pays comme l’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Iran, rejoignent le groupe des Brics, il pourra se targuer de posséder 50% des réserves énergétiques mondiales et de ce fait, il pourrait contrôler les marchés énergétiques mondiaux. Enfin, l’Algérie possède également des ressources minières comme la mine de fer de Gara Djebilet, le Zinc et le plomb de Bejaïa et d’autres richesses à faire valoir.
La question de la « dédollarisation » a été au cœur des discussions des BRICS. Qu’en pensez-vous ?
- Effectivement, la question de la « dédollarisation » des transactions financières internationale, est au cœur de ce sommet. D’ailleurs, le président Russe, Vladimir Poutine, a mis l’accent sur le sujet. De plus, c’est un fait avéré désormais, puisque plusieurs pays commencent à abandonner le dollar dans leur transactions internationales au profit de d’autres monnaies. Je dirais même que le dollar est en déclin, preuve on est, actuellement 60% des réserves mondiales sont en dollars, alors que dans un passé récent, ils étaient à hauteur de 70%. Ce recul s’explique par la politique américaine, qui s’arroge le droit de geler arbitrairement les avoirs de certains pays, comme la Russie dernièrement, où 300 milliards de dollars ont été gelés.
La création d’une monnaie commune fait partie des objectifs des BRICS à long terme. Est-ce réaliste selon vous ?
- Une monnaie unique pour les pays du BRICS, n’est guère utopique, bien au contraire. D’ailleurs, je pense que c’est un projet qui pourrait être concrétisé à moyen terme, à savoir les deux ou trois prochaines années. La Banque de développement de BRICS laquelle capitalise actuellement 100 milliards de dollars. Mieux, actuellement ce conglomérat réfléchit sérieusement à la mise en place d’une monnaie numérique propre au groupe des BRICS et je pense qu’elle aura une grande valeur, car des puissances économiques dont la Russie, la Chine et l’Inde vont y prendre part.
La banque des Brics peut-elle devenir à moyen terme la nouvelle banque mondiale ?
La Banque de développement des BRICS et aussi la future monnaie unique au même titre que la monnaie numérique, trouvent leur raison d’être dans les injustices commises par les institutions financières internationales, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.
- La Banque de développement des BRICS et aussi la future monnaie unique au même titre que la monnaie numérique, trouvent leur raison d’être dans les injustices commises par les institutions financières internationales, dont la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Laquelle injustice qui se matérialise par le fait qu’elles prêtent aisément et sans trop de contraintes aux pays qui s’alignent sur les positions américaines. Pour les autres, elles les prennent à la gorge. Les États Unis utilisent ces institutions comme moyen de pression en leur faveur. Avec la nouvelle banque des Brics, laquelle sera une alternative viable, ces moyens de chantage vont disparaître.
Pourquoi le Brésil et surtout l’Inde émettent des réserves à l’expansion des BRICS?
- Ce ne sont que des rumeurs. À mon sens, ni le Brésil ni l’Inde n’ont aucun intérêt à s’opposer à cette expression ( entretien réalisé avant l’annonce du premier ministre indien, NDLR). Au contraire, tous les pays des membres de ce conglomérat veulent que ce groupe prenne du volume et de l’importance à l’échelle mondiale. Ce groupe, représente 40% de la population mondiale, et plus de 44% du globe en matière de surface . Fondamentalement, il y’a pas de divergence sur l’élargissement, le seul point sur lequel des divergences peuvent subsister, ce sont les critères de sélections. A mon avis, il ne s’agit pas seulement de mécanismes ou critères purement économiques, d’autres facteurs, comme la politique extérieur, la diplomatie, la volonté de sortir de l’unipolarité actuelle, etc.
Propos recueillis par Ramdane Bourahla