Plus de soixante ans après les premières explosions nucléaire françaises dans le désert algérien, la pression s’intensifie sur Paris.
Ainsi, à l’occasion de la Journée internationale contre les essais nucléaires, célébrée ce 29 août 2025, vingt organisations internationales actives dans les domaines du désarmement, de la défense des droits humains et de la protection de l’environnement ont publié une déclaration conjointe appelant la France à reconnaître pleinement ses responsabilités historiques, morales et juridiques dans les essais nucléaires, chimiques et biologiques menés en Algérie entre 1960 et 1966.
Une « profonde inquiétude » exprimée
En effet, dans un communiqué publié par le Centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits (CDRPC), les signataires — parmi lesquels l’Observatoire des armements, la Campagne internationale pour l’abolition des armes nucléaires (ICAN) et le Bureau international de la paix (IPB) — expriment leur « profonde inquiétude » face au silence persistant de Paris et à son refus d’agir concrètement pour réparer les dommages causés.
« Nous sommes profondément préoccupés par le fait que plus de six décennies se sont écoulées depuis le début de la série d’essais nucléaires menés par la France dans le désert algérien, sans qu’une réponse à la hauteur de l’enjeu n’ait été apportée », indique le communiqué, tout e najoutant que « ces 17 explosions nucléaires, accompagnées de 40 autres expériences connexes, ont laissé un lourd héritage de pollution radioactive, engendrant des conséquences sanitaires, environnementales et sociales graves, toujours visibles aujourd’hui ».
Des séquelles toujours vives
Les ONG signataires dénoncent les effets dévastateurs de ces essais sur des milliers de personnes : hausse alarmante des cas de cancers, maladies respiratoires chroniques, malformations congénitales, dégradation continue des ressources naturelles, désorganisation des modes de vie traditionnels et affaiblissement du tissu socio-économique.
À cela s’ajoute un traumatisme psychologique profond, exacerbé par le manque de soins médicaux adéquats et l’absence de transparence sur les risques réels encourus par les populations. « Après plus de 60 ans, cette catastrophe ne saurait être reléguée dans l’oubli. Les tensions diplomatiques actuelles entre Alger et Paris ne doivent en aucun cas servir de prétexte à l’inaction ou à la minimisation du problème », insiste le communiqué.
Un appel à la vérité et à la justice
Les ONG appellent à une approche fondée sur la coopération, la transparence et la responsabilité partagée. Elles réclament notamment la reconnaissance officielle et complète par la France des crimes nucléaires commis en Algérie, des réparations justes et complètes pour les victimes, ainsi que l’accès aux soins médicaux appropriés, la divulgation intégrale et immédiate de toutes les données relatives aux essais, y compris les cartes des sites de déchets radioactifs, et la remise à l’Algérie d’une copie complète des archives nucléaires, la création d’une commission conjointe de suivi, regroupant représentants des gouvernements, parlementaires, associations de victimes, et experts, pour évaluer l’impact sanitaire et environnemental de ces expérimentations.
Par ailleurs, les signataires dénoncent l’inefficacité de la « Loi Morin », censée indemniser les victimes, mais qui, selon eux, n’a jamais permis à un seul Algérien d’être indemnisé, en raison des lourdeurs administratives et des critères irréalistes exigés, comme la présentation d’une preuve médicale directe du lien entre la pathologie et l’exposition radioactive.
Un enjeu humanitaire, pas un levier diplomatique
Les organisations insistent : « Il ne s’agit pas d’un contentieux diplomatique, mais d’un dossier humanitaire, environnemental et éthique, qui exige une réponse immédiate, sincère et durable ». Elles exhortent la France à cesser de se réfugier derrière des arguments de sécurité nationale pour éviter la divulgation d’informations cruciales.
Enfin, elles appellent la France à nettoyer les zones contaminées, à adhérer et ratifier le Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN), comme un geste de bonne foi envers les populations affectées, et à œuvrer pour une mémoire partagée, libérée des non-dits et des blocages politiques.
Contexte tendu : un obstacle ou un catalyseur ?
Ce dossier, longtemps mis sous le tapis, reste l’un des plus sensibles dans les relations algéro-françaises, déjà marquées par des tensions chroniques. Alors que le président Emmanuel Macron s’était engagé à avancer sur les questions mémorielles, les résultats concrets se font toujours attendre.