Le gouvernement « Lecornu 2 » joue à un jeu malsain avec l’Algérie. D’une part, le ministre de l’Intérieur français Laurent Nuñez distille des messages d’apaisement à l’égard de l’Algérie en plaidant pour un retour au dialogue entre Alger et Paris. De l’autre, les Algériens sont pris pour cible par les services de l’immigration.
Ainsi, la récente réponse du gouvernement français aux critiques concernant la multiplication des décisions d’éloignement visant des ressortissants d’origine algérienne a provoqué un vif débat politique et moral, révélant une approche sécuritaire jugée déshumanisante par de nombreux observateurs, dont des élus d’origine algérienne.
Des justifications officielles jugées insuffisantes
En effet, lors d’une séance du Sénat français le 16 octobre 2025, le ministre délégué à l’Industrie, Sébastien Martin, s’exprimant au nom du ministre de l’Intérieur, a défendu la politique d’expulsion dite des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), en assurant qu’elle s’inscrivait « dans le strict respect du droit européen » et qu’elle visait à « faire respecter les règles de séjour ». Ce discours, publié officiellement le 31 octobre, répondait à une question écrite du sénateur Akli Mellouli, élu du Val-de-Marne et d’origine algérienne, qui s’était alarmé du « glissement inquiétant » vers une automatisation de ces décisions administratives.
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Dans sa réponse, le ministre français a expliqué la hausse des OQTF par une « pression migratoire accrue » et une « amélioration des dispositifs de contrôle ». Selon lui, le nombre d’interpellations de migrants en situation irrégulière serait passé de 123.800 en 2023 à plus de 147.000 en 2024.
La dimension humaine bafouée
En outre, il a également souligné que la loi du 26 janvier 2024 sur « la maîtrise de l’immigration et l’intégration renforcée » avait contribué à intensifier les expulsions, affirmant que les préfectures appliquent désormais la réglementation « avec plus de rigueur ».
Mais pour de nombreux élus et défenseurs des droits humains, ce discours occulte la dimension humaine des décisions et ignore les dérives administratives constatées sur le terrain. Le gouvernement s’est en effet contenté de vanter la « performance » de l’administration, en précisant que les expulsions effectives avaient augmenté de 27 % en 2024 et de près de 15 % à fin août 2025.
Une progression que Paris présente comme un succès, mais que beaucoup considèrent comme le symptôme d’une politique d’exclusion systématique.
Le cri d’alarme d’un sénateur d’origine algérienne
Dans son intervention écrite du 3 juillet 2025, le sénateur Akli Mellouli avait pourtant averti contre la dérive d’une administration qui transforme l’OQTF en « réflexe bureaucratique » face à toute situation migratoire complexe. Selon lui, cette tendance menace « l’équilibre républicain » et substitue le soupçon à la justice, la répression au discernement.
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Mellouli cite notamment le cas emblématique d’une femme française d’origine algérienne, âgée de 58 ans, installée en France depuis 1993 et naturalisée en 1997, qui a été interpellée à l’aéroport de Roissy à son retour d’Algérie. Malgré sa carrière dans une crèche parisienne, elle a reçu un avis d’expulsion assorti d’une interdiction d’entrée d’un an, au motif que l’administration doutait de la réalité de sa résidence principale en France. Un épisode que le sénateur qualifie d’« absurde et injuste », symbole d’une politique où la logique du chiffre et du contrôle prime sur l’évaluation humaine des situations.
Entre efficacité administrative et atteinte à la dignité
Face à ces critiques, le gouvernement français persiste dans une logique technocratique, présentant les expulsions comme un indicateur d’efficacité. Pourtant, cette approche ébranle la confiance d’une partie de la population issue de l’immigration, notamment algérienne, qui y voit une stigmatisation déguisée et une instrumentalisation politique de la question migratoire.
Pour Alger, ces pratiques, même si elles ne visent pas officiellement une nationalité en particulier, sont perçues comme un manque de respect à l’égard de la communauté algérienne profondément enracinée en France et historiquement liée à son développement social et économique.
Vers un débat de fond sur la justice migratoire ?
En conclusion, le sénateur Mellouli appelle à une évaluation transparente et régulière des décisions d’éloignement, afin de mesurer leur efficacité réelle et leur conformité aux valeurs républicaines.
Car au-delà des chiffres, c’est bien l’image de la France qui se trouve questionnée.
L’Algérie, forte de ses liens historiques, culturels et humains avec la France, observe avec attention cette évolution. Nombreux sont ceux qui espèrent que le dialogue l’emportera sur la défiance, et que la coopération entre les deux pays saura redonner tout son sens au respect mutuel et à la justice individuelle.
