Par Mounia Hammoud
Face aux défis environnementaux croissants, l’Algérie se tourne progressivement vers l’adoption de véhicules hybrides et électriques pour remplacer les modèles traditionnels à moteur diesel ou essence.
Cette transition s’inscrit dans une stratégie écologique ambitieuse visant à réduire la dépendance aux énergies fossiles et à atténuer les émissions de gaz à effet de serre.
Dans ce contexte, le retrofit, méthode consistant à transformer un véhicule thermique en véhicule électrique en substituant le moteur thermique et le réservoir par un moteur électrique et une batterie, est exploré de manière expérimentale en Algérie.
Sofiane Boudjema, ingénieur polytechnicien en sciences des matériaux et Chief Operations Officer chez Brenco, une société algérienne spécialisée dans le conseil et l’ingénierie, notamment en intelligence de marché, modélisation d’affaires et design thinking, rencontré au salon international des véhicules thermiques, électriques et hybrides qui se tient du 24 au 29 juin à Oran, nous a fait part de son engagement dans un projet ambitieux de conversion de véhicules thermiques en véhicules électriques.
Tout a commencé par van VW T2…
M.Boudjema partage le succès de la transformation d’un véhicule thermique en un véhicule électrique, soulignant ainsi l’importance de cette initiative pour redonner vie aux véhicules en fin de vie et pour démontrer la faisabilité technique de cette conversion. « Nous avons lancé ce projet dans le cadre d’une start-up. Nous avons acquis un vieux van Volkswagen T2 que nous avons converti avec succès en véhicule électrique. Le retrofit commence par le dimensionnement du kit selon le type de véhicule, et la détermination de l’autonomie désirée par le client ainsi que l’agencement de la batterie. Des calculs de puissance et de répartition des masses sont également effectués. Concrètement, la conversion implique le retrait du moteur thermique et des parties du train avant ou arrière selon le type de véhicule, suivis de l’intégration de la batterie et du nouveau moteur électrique, avec quelques composants auxiliaires, et un nouveau train connecté directement au moteur électrique. Notre premier prototype est prêt et sera bientôt dévoilé au public », a-t-il précisé.
Homologation: « Ouvrons le débat! »
Concernant les défis et les régulations entourant ce marché émergent, M.Boudjema invite à ouvrir le débat, mettant en lumière des questions cruciales telles que l’homologation des véhicules convertis pour une circulation routière et la nécessité de sensibiliser les services de protection civile à une gestion adaptée des incidents impliquant ce type de véhicule. « Nous cherchons à ouvrir le débat sur ce projet, car il est urgent de commencer à réguler ce marché émergent. Par exemple, l’une des préoccupations majeures est l’homologation : est-il possible d’homologuer légalement un véhicule thermique converti en véhicule électrique pour une circulation routière comme les voitures à moteur essence converti en GPL? » s’est il interrogé. « Il est également crucial de sensibiliser les services de protection civile à l’intervention en cas d’accident impliquant ce type de véhicule, nécessitant une prise en charge spécifique différente de celle des véhicules à moteur thermique. Une réflexion globale avec l’écosystème est nécessaire pour préparer la transition vers la mobilité électrique », a-t-il fait savoir.
Développement d’un réseau spécialisé
Envisageant le développement à plus grande échelle, M.Boudjema ambitionne de créer un réseau de professionnels spécialisés dans la conversion de véhicules thermiques en électriques. Il cible principalement les flottes de véhicules en fin de vie détenues par les entreprises ainsi que les voitures de collection, dans le cadre de ce projet. « À plus grande échelle, nous ambitionnons de développer un réseau de retrofiteurs spécialisés dans la conversion de véhicules thermiques en électriques. S’inspirant particulièrement du succès rencontré dans la reconversion des voitures au GPL en Algérie, nous visons à réitérer cette expérience en promouvant la conversion des véhicules thermiques en électriques à travers le retrofit, avec une approche rigoureuse et agréée. » », a-t-il ajouté.
Batterie lithium-ion: Un marché stratégique
Sur le plan technologique, notre interlocuteur souligne l’importance cruciale de la batterie dans un véhicule électrique. Il se réjouit de l’initiative récente de l’Agence algérienne de Promotion de l’Investissement(AAPI), qui a accordé un foncier à un jeune investisseur pour un projet d’investissement dans les batteries lithium-ion.
Parallèlement, il explore des collaborations stratégiques avec divers constructeurs automobiles pour sécuriser l’approvisionnement en pièces essentielles comme les batteries électriques. « Aujourd’hui, il y a beaucoup de pièces qu’on peut fabriquer localement, mais la pièce maîtresse qui représente 50 % du coût total est la batterie. Il est crucial de réfléchir à la fabrication des batteries car c’est ce qui coûte le plus cher dans une voiture électrique », a-t-il souligné. « Technologiquement, il est possible de fabriquer une batterie une fois que l’on dispose des cellules, car une batterie électrique est essentiellement un assemblage de ces cellules connectées entre elles. Nous attendons avec impatience la concrétisation du projet de fabrication des batteries lithium-ion. Parallèlement, nous avons engagé des discussions préliminaires avec divers constructeurs automobiles revenant sur le marché algérien, dans le but de sécuriser l’approvisionnement en pièces, notamment les batteries électriques. Ces discussions sont à leurs débuts et en cours de maturation, avec des premières rencontres », a-t-il conclu.
En somme qu’en convertissant avec succès un van Volkswagen T2 en véhicule électrique et en explorant les défis réglementaires et technologiques du marché émergent, ce jeune ingénieur algérien ouvre la voie à une transition vers la mobilité électrique en Algérie, soutenue par des collaborations stratégiques pour la fabrication locale des batteries au lithium-ion.
M.H