À l’heure où les pouvoirs publics insistent énormément sur le tourisme local, à telle enseigne ou on veut en faire un rouage essentiel du développement local, l’Algérie regorge de sites touristiques aussi saisissants les uns que les autres.
Malheureusement, en Algérien la culture du tourisme est le plus souvent « restreinte » et cantonnée à la saison estivale et dans une moindre mesure le tourisme saharien, notamment les « réveillons » à Djanet.
REPORTAGE Réalisé par Ouali. E
Or, il existe un autre tourisme, des plus dépaysants et enrichissant à la fois, à savoir le tourisme historique et archéologique. Notre pays à travers ses histoires, cultures et traditions et les innombrables civilisations qui l’ont foulé, laissant leurs traces indélébiles, peut-être une formidable « machine à remonter le temps » pour les jeunes générations et les futures.
La wilaya de Batna, à plus de 400 kilomètres au Sud-Est de la capitale Alger, est l’une des plus riches en patrimoine archéologique en Algérie. Elle recèle d’inestimables vestiges, certains de renommée mondiale.
2000 ans d’histoire nous contemplent…
De la célèbre Timgad à Tazoult en passant par Zana, Imedghassen, Tobna, Chemora et plein d’autres. Et comme le dit Mourad, un habitant de Batna : « Ici, il suffit juste d’un coup de pioche pour tomber sur des vestiges millénaires ». Batna est témoin d’une très ancienne présence humaine, d’un brassage de civilisations, de luttes et de guerres contre les envahisseurs. Les vestiges visibles un peu partout sur la terre chaouie en sont l’affirmation.
Le site de Timgad ou la Pompéi de l’Afrique, demeure l’un des mieux préservés à Batna. C’est à un véritable musée à ciel ouvert que l’on a affaire. Selon les historiens, c’est l’empereur romain Trajan (98-117 Ap J-C) qui ordonna sa construction. Elle porta alors le nom de Colonia Maciana Trajana Thamugadi. Le site a été classé par l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, comme patrimoine mondial en 1982. « Le plan, d’une grande rigueur, illustre les principes de l’urbanisme romain à son apogée. La croissance rapide de la cité aboutit, dès le milieu du IIe siècle, à faire éclater le cadre étroit de la fondation primitive. Timgad s’agrandit hors des remparts et des édifices publics majeurs sont construits dans les quartiers neufs : capitole, temples, marchés, thermes. La plupart datent de l’époque des Sévères, où la ville connut son âge d’or dont témoignent aussi d’immenses résidences privées », écrit-on sur le site de l’UNESCO.
La « Déesse » de l’Afrique
Dans le même site il a été mis en évidence que l’ensemble des vestiges et des artéfacts archéologiques mis au jour témoignent de sa « Valeur universelle exceptionnelle ». L’architecte et directeur de fouilles français Albert Ballu (1849-1939), écrivait dans son ouvrage intitulé Guide illustré de Timgad (1903) : « Les ruines de Timgad sont aujourd’hui aussi célèbres que celles de Pompéi ». C’est à Timgad aussi que fut construit le plus grand temple d’Afrique dédié à la déesse Africa « Dea Africa », une divinité d’origine Nord-Africaine connue chez les amazigh sous l’appellation d’Ifru ou Ifri.
Thamugadi surplombe de vastes plaines fertiles, occupant ainsi une position stratégique. Elle fut un carrefour de plusieurs autres grandes colonies et cités romaines en Afrique du Nord. Selon les études des archéologues, la ville s’étendait sur quelques 90 hectares à son apogée et abritait une population avoisinant les 15000 habitants. Le déclin et destruction de la cité restent une énigme. L’une des hypothèses les plus répandues est qu’elle fut détruite par les tribus des Aurès, les vrais propriétaires des lieux.
Des touristes émerveillés
De nos jours, Timgad est devenue une incontournable halte touristique. Le site est bondé de visiteurs à longueur d’année dont des centaines de touristes de différentes nationalités étrangères. En cette journée ensoleillée d’octobre, c’est un bus de touristes italiens qui débarque, la plupart des personnes âgées. Une fois sur place, ils n’ont pas pu cacher plus leur émerveillement face à la splendeur de Timgad même si ce ne sont que des vestiges qui restent. Il faut reconnaitre que l’architecture et l’organisation urbaine des villes romaines, inspirent encore les ingénieurs et constructeurs contemporains. Les mêmes schémas sont encore reproduits et développés. Une autre remarque que se fera chaque visiteur de la Pompéi de l’Afrique du Nord, est la propreté des lieux. Les gardiens passent au peigne fin chaque recoin de la cité.
Ces pierres qui en disent long …
Dès l’entrée de l’antique cité, c’est à une large voie tel un boulevard, le Cardo Maximus, que l’on fait face. Construite en pavé, devenu lisse au fil des siècles de marche, cette voie, est l’exemple vivant des routes durables. Elle est presque intacte après près de 2000 ans ! L’avenue est bordée par les murets ou ce qui reste des habitations ainsi que de colonnes toujours debout. Partout où l’on pose les yeux on tombe sur les inscriptions sculptées sur les colonnes, les murs, le pavé, les stèles, etc. C’est de véritables archives qui ont beaucoup servi les chercheurs pour déchiffrer et traduire les messages laissés et à travers eux comprendre le mode de vie à l’époque. Les travaux effectués par Henriette Doisy dans son ouvrage intitulé : « Inscriptions latines de Timgad », ont levé le voile sur beaucoup d’énigmes.
Une acoustique qui laisse sans voix !
L’opulente Timgad disposait d’un grand théâtre adossé à une colline. Lors de sa construction, il mesurait quelques 63 mètres de diamètre et pouvant accueillir quelques 4000 spectateurs. Un chef-d’œuvre architectural qui en dit long sur le savoir-faire et les prouesses techniques de la civilisation romaine. Un groupe de visiteurs présent sur les lieux a été émerveillé par une expérience acoustique réalisée sur place. Depuis le centre de la scène marqué par une flèche, le son se diffuse parfaitement dans toutes les directions. Il suffit d’un claquement des mains pour admirer l’effet harmonieux du son, alors que si l’on bouge à gauche ou à droite, la résonnance diminue.
L’Arc de T…rajan
Au centre de la cité se dresse l’imposant arc de Trajan constitué de trois portes ornées avec de géantes colonnes. Une grande principale du milieu et deux autres latérales plus petites. Selon des explications fournis par les guides, la grande porte permettait le passage des chars alors que les deux autres furent réservées aux piétons. L’arc fut utilisé comme porte d’entrée de la ville avant son extension dans toutes les directions, pour finir au centre. Un peu plus loin, deux grandioses colonnes de plus 16 mètres du Capitole sont encore debout. Elles furent remontées par l’équipe de fouilles durant la fin du 19e et début du 20ème siècle. A l’origine il existait six colonnes qui se sont effondrées suite à un tremblement de terre.
Une « métropole » à l’avant-garde
Dans l’antique Timgad, le savoir et les sciences avaient une place prépondérante. Et quoi de mieux qu’une bibliothèque pour les diffuser parmi la population. Le mérite de la construction de celle de Thamugadi revient à Quintus Flavius Rogontianus. L’édifice aurait coûté la somme de 4.000.000 de Sesterces (Monnaie romaine de l’époque). La bibliothèque était composée d’une grande salle de 12 mètres de diamètre entourée par trois gradins. On y trouve aussi des placards avec un rayonnage où furent entreposés livres et volumes, au grand bonheur des lecteurs.
Les architectes de Thamugadi ont tout prévu. Des latrines ou toilettes publiques, un système d’évacuation des eaux usées ou les égouts, et un autre pour le drainage des eaux pluviales. Les latrines sont restées presque intactes après près de 2000 ans, alors qu’actuellement, au 21ème siècle, des villes en Algérie n’en disposent pas encore. Quant aux thermes ou bains publics ils étaient répandus à Timgad. Ce qui renseigne de l’importance qu’occupait l’hygiène corporelle chez les habitants de la cité. Certains bains sont encore en parfait état, à l’instar des petits thermes de l’Est. Quant aux plus imposants, sis toujours à l’Est, occupant une superficie de 1600 m², il n’en reste que des vestiges. Les études menées sur les thermes romains et leur fonctionnement ont révélé qu’ils étaient composés de plusieurs salles. Des vestiaires, piscines, salles d’exercices, salle chaude, chambre fraîche, etc. Les thermes étaient équipés aussi d’hypocaustes ou des fourneaux souterrains, pour réchauffer l’eau.
Flâner à Timgad : Tout un art !
Le commerce est l’un des piliers de chaque civilisation. En effet, l’opulente Timgad, était un important carrefour commercial de l’époque. De ce fait, elle possédait, à l’istar d’autres capitales commerciales, telles que Carthage, Massillia et Syracus, ses places d’échanges et de troc, ainsi que ses marchés. L’ un de ces derniers, se dénommait Marché de Sertius (Marcus Plotius Faustus Sertius). Il s’agit d’un grand espace avec des tables de pierre permettant aux commerçants d’étaler leurs marchandises, généralement des denrées alimentaires. Juste à côté, un autre marché, celui dédié au commerce des vêtements. À gauche comme à droite, les traces des maisons, les fontaines, le forum, les basiliques et cathédrale et autres monuments et vestiges, restent encore à explorer. En somme, pour faire tout le tour de tous les édifices, il faut au moins une demi-journée.
A la fin de ce petit périple, un passage au musée s’impose. Celui de Timgad fut construit entre 1930 et 1935, à l’entrée de la cité antique. Avant d’y accéder, un jardin épigraphique où l’on trouve des statues, des figurines et stèles, sarcophages, etc. L’intérieur du musée quant à lui regorge d’œuvres inestimables. Le sol et les murs sont ornés par une multitude de géantes mosaïques d’une beauté époustouflante. Deux grandes salles vitrines où sont exposés différents objets, découverts lors des fouilles qui débutèrent en 1880. Poteries, lampes à huile, des figurines et statues. Le visiteur de Thamugadi ne sera plus déçu par les découvertes qu’il fera….
O.E.