La diplomatie française semble enfin mesurer l’impasse dans laquelle l’ont conduite des années de posture dure et de tentatives d’imposer un rapport de force à l’Algérie.
Ainsi, dimanche, sur France Inter, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a livré, presque malgré lui, un aveu rare : la ligne du « bras de fer », ardemment défendue par certains cercles politiques à Paris, n’a rien produit. Ni avancée politique, ni percée diplomatique. Pire encore, cette stratégie a contribué à détériorer davantage une relation déjà fragilisée.
Le retour de l’ambassadeur : un dossier dont Paris ne maîtrise plus le tempo
En effet, interrogé sur le retour de l’ambassadeur Stéphane Romatet, rappelé depuis sept mois, Barrot a reconnu qu’aucune échéance n’était en vue. Pas de date, pas d’horizon clair. Il a expliqué que son retour dépendait de « conditions politiques appropriées » et d’une réelle « reconstruction de la confiance » entre les deux pays. Une manière élégante de dire que Paris n’a plus la main, et qu’il lui est désormais impossible d’imposer un calendrier à Alger. Face à l’insistance de la journaliste — « une semaine, un mois, un an ? » — le chef de la diplomatie française s’est retranché derrière un vague « Nous verrons », admettant tout de même percevoir « des signaux de sortie de la zone de tension ».
Une critique frontale des partisans de la ligne dure
Le moment le plus révélateur reste sa charge contre ceux qui, en France, continuent de prôner une politique de confrontation avec Alger. Barrot les accuse de se tromper et de ne pas tirer les leçons des échecs répétés de cette méthode. Un aveu cinglant : les pressions françaises — qu’elles soient médiatiques, politiques ou diplomatiques — n’ont strictement rien obtenu, sinon une crispation accrue du côté algérien.
Barrot affirme désormais que tout progrès nécessite « un dialogue sérieux respectant la souveraineté de l’Algérie et ses intérêts ». Une formule lourde de sens pour une diplomatie française longtemps habituée à dicter la marche à suivre. La fermeté algérienne oblige aujourd’hui Paris à revoir sa copie et à adopter un ton nettement plus modeste.
Le cas Boualem Sansal, un « désaveu » pour les critiques de la diplomatie française
En évoquant l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, actuellement à l’ambassade de France à Berlin, le ministre estime que son probable retour en France constitue « un désaveu » pour ceux qui minimisent le rôle discret de la diplomatie. Une manière de souligner que certaines critiques relèvent davantage de la posture politique que de la réalité.
Le dossier Christophe Gleizes rappelle les limites de Paris
Concernant le journaliste Christophe Gleizes, condamné à sept ans de prison en Algérie pour « apologie du terrorisme », Barrot affirme vouloir aborder l’affaire avec Alger, tout en ajoutant qu’il faut « respecter sa souveraineté ». Là encore, le choix des mots confirme que Paris n’est plus en position d’imposer ses exigences.
Une France affaiblie, contrainte à l’humilité
Les déclarations du ministre dessinent une France consciente d’avoir perdu l’initiative dans sa relation avec Alger. Le discours de fermeté affiché ces derniers mois laisse place à celui d’un « dialogue discret » et d’une attente de « conditions politiques favorables ». Autant de formules qui tranchent radicalement avec les ambitions initiales de Paris.
Ainsi, une réalité s’impose : la relance d’une relation équilibrée dépend avant tout d’Alger. Toute tentative de pression, loin de résoudre la crise, ne ferait que l’aggraver. Pour une diplomatie française longtemps persuadée de sa position dominante, le constat est amer. Paris doit désormais faire profil bas si elle espère retrouver un interlocuteur algérien disposé à rouvrir un véritable dialogue.
