Plus qu’un simple partenariat énergétique, la relation entre l’Algérie et l’Italie s’affirme en 2024 comme un véritable axe stratégique méditerranéen, ancré dans une vision partagée de co-développement, de diversification économique et de stabilité régionale.
Le chiffre est révélateur : près de 12 milliards d’euros d’échanges commerciaux ont été enregistrés entre l’Algérie et l’Italie au cours de l’année 2024, selon les données publiées par l’Institut italien de la statistique (Istat) et l’Agence ICE, repris par Agenzia Nova. Ces chiffres, reflètent une transformation structurelle de la relation bilatérale qui s’opère sous nos yeux, portée par une diplomatie active et des intérêts croisés.
Une coopération énergétique en mutation
Longtemps centrée sur les hydrocarbures, la relation entre les deux pays évolue. L’Italie demeure l’un des principaux clients du gaz algérien – avec 9,4 milliards d’euros d’importations en 2024 – mais cette dépendance connaît une inflexion notable (-23,5 % sur un an).
Même tendance pour le pétrole brut, en chute de plus de 42 %. En revanche, les produits raffinés algériens séduisent de plus en plus, dépassant pour la première fois le milliard d’euros, en hausse de 29,7 %. Cette évolution témoigne d’une volonté partagée : consolider les liens énergétiques tout en les adaptant aux nouvelles réalités du marché et aux impératifs de transition énergétique.
L’Italie, levier de modernisation industrielle pour l’Algérie
L’autre pilier de cette coopération stratégique est technologique et industriel. L’Italie s’impose comme un partenaire de choix pour l’Algérie dans plusieurs domaines clés : équipements industriels, agroalimentaire, chimie, plasturgie… Les machines à usage général, notamment les turbines et équipements hydrauliques, atteignent 285 millions d’euros (+31,8 %), tandis que les machines spéciales frôlent les 281 millions d’euros (+22,9 %).
Autant de secteurs où l’expertise italienne répond aux besoins pressants de modernisation de l’économie algérienne. Cette dynamique s’inscrit dans le cadre de projets concrets : l’usine Fiat à Oran, les investissements agricoles dans le sud (Timimoun), ou encore les partenariats en matière de formation professionnelle.
Le Plan Mattei : une feuille de route pour une coopération gagnant-gagnant
Depuis le renforcement des relations diplomatiques en 2021, marquée par des visites d’État régulières et une intensification des accords stratégiques, Alger et Rome tracent ensemble une voie nouvelle. Le Plan Mattei, promu par le gouvernement italien, se veut l’incarnation d’une approche plus équilibrée et durable des relations avec l’Afrique. L’Algérie en est l’un des partenaires centraux.
À travers ce plan, l’Italie réaffirme sa volonté d’être un acteur crédible et respectueux au sud de la Méditerranée, tout en consolidant ses approvisionnements énergétiques et son influence géopolitique. L’Algérie, quant à elle, voit en Rome un relais vers l’Europe et un allié dans son effort de transformation économique.
L’héritage Mattei : une mémoire toujours vivante
Figure tutélaire de cette relation, Enrico Mattei, fondateur de la compagnie énergétique Eni, reste une icône de la coopération italo-algérienne. Acteur engagé durant la guerre de libération, soutien du FLN et du gouvernement provisoire algérien, Mattei a aussi favorisé la formation de centaines de cadres algériens dans les écoles techniques de San Donato Milanese. Son héritage, encore salué aujourd’hui, sert de boussole aux ambitions modernes du partenariat entre Alger et Rome.
À l’heure où l’Algérie cherche à consolider son rôle de puissance énergétique tout en diversifiant son économie, et où l’Italie veut affirmer son influence dans le sud méditerranéen, la relation bilatérale entre les deux pays semble entrer dans une nouvelle ère : moins dépendante du gaz, mais plus stratégique que jamais.

