La phase du « dégel » des relations algéro-françaises est enclenchée et les signes d’un « réchauffement » diplomatique entre l’Algérie et la France se succèdent et s’accélèrent. Néanmoins, dans les coulisses, Paris continue de jouer à un « jeu malsain » vis-à-vis d’Alger.
Ainsi et au lendemain de la grâce présidentielle accordée par le président Abdelmadjid Tebboune à l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le ministre de l’Intérieur français, Laurent Nuñez vient d’annoncer une « très probable » visite à Alger, sans toutefois préciser la date et l’agenda de cette visite laquelle devrait acter une « normalisation » des relations entre les deux pays.
Nuñez, « l’anti- Retailleau »
En effet et dans une déclaration faite ce jeudi 13 novembre 2025 sur l’antenne de BFM, le ministre de l’intérieur français, a évoqué « une probable » visite en Algérie « prochainement », et ce, à la lumière de la libération de Sansal. Nuñez, insistera également sur la « reprise du dialogue » en Alger et Paris.
« Il faut engager ce dialogue dans des conditions d’exigence. On a beaucoup de choses à demander (…). On va réengager des canaux sécuritaires », a ajouté le ministre, invité à Alger par son homologue algérien. Depuis son arrivée au gouvernement, Laurent Nuñez a souligné à plusieurs reprises la nécessité de renouer « le dialogue » avec Alger.
Parallèlement à ces déclarations de rassurantes, la France utilise l’Accord de 1968 sur la circulation, l’emploi et le séjour des Algériens comme une arme politique et diplomatique à l’encontre de l’Algérie.
Des révélations officielles, émanant de cinq organisations françaises reconnues pour leur défense des droits des étrangers, confirment que Paris a unilatéralement bafoué plusieurs dispositions essentielles de ce texte historique, tout en feignant de vouloir dialoguer avec Alger pour « le réviser ».
Une dénonciation venue du cœur de la société civile française
En effet, le scandale a éclaté à travers une déclaration commune signée par cinq organisations françaises majeures : le Syndicat des Avocats de France (SAF), Avocats pour la Défense des Droits des Étrangers (ADDE), la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), le Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés (GISTI) et l’association La Cimade. Leur texte, intitulé « L’accord franco-algérien de 1968 attaqué de toutes parts : le juge cède-t-il à la politique ? », dénonce une série d’« attaques sans précédent » contre cet accord, menées notamment par l’extrême droite française et « ceux qui rêvent encore de l’Algérie française ».
Une démolition juridique orchestrée depuis les plus hautes sphères de l’État
Les ONG tirent la sonnette d’alarme : plusieurs décisions du Conseil d’État français ont vidé l’accord de sa substance. La première « attaque » date du 30 juillet 2024 (décision n°473675), lorsque la plus haute juridiction administrative française a remis en cause la régularisation automatique des Algériens résidant en France depuis plus de dix ans — un privilège expressément garanti par l’accord. En agissant ainsi, le Conseil d’État a créé, selon le communiqué, « l’illusion qu’un Algérien frappé d’une interdiction de retour ne réside pas en France, même s’il ne l’a jamais quittée ».
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La seconde décision, plus récente, rendue le 28 octobre 2025 (n°504980), poursuit ce travail de sape. Elle modifie la lecture des clauses relatives au renouvellement automatique des titres de séjour de dix ans, pourtant clairement établies par le texte de 1968. Jusqu’ici, la jurisprudence française (notamment l’arrêt du 14 février 2001, n°206914) avait toujours confirmé qu’aucune restriction ne pouvait empêcher ce renouvellement — même en cas de menace alléguée à l’ordre public. Or, désormais, les autorités administratives françaises peuvent refuser le renouvellement d’un titre de séjour algérien sous prétexte d’un « risque grave pour l’ordre public ». Une brèche dangereuse dans l’esprit même de l’accord.
Une instrumentalisation politique en plein climat xénophobe
Les signataires dénoncent un « climat politique délétère » où la haine des étrangers et les reculs des droits humains deviennent des outils électoraux. D’ailleurs, le 30 octobre 2025, le parti d’extrême droite Rassemblement National (RN) a fait adopter à l’Assemblée nationale une motion « condamnant » l’accord franco-algérien. Un précédent historique, jugé « extrêmement inquiétant » par les associations, qui y voient la preuve de l’impuissance des institutions françaises à résister à la montée des idées racistes et anti-immigrés.
Des coïncidences qui en disent long
Les dates de ces décisions ne doivent rien au hasard. En effet, le 30 juillet 2024, jour même où le Conseil d’État sabote la régularisation automatique des Algériens, Emmanuel Macron annonçait son soutien au plan marocain d’autonomie au Sahara occidental — une provocation diplomatique à l’égard d’Alger. Quant à la décision du 28 octobre 2025, elle a été rendue deux jours avant le vote de l’Assemblée nationale sur la révision de l’accord de 1968, facilitant ainsi l’adoption du texte. Une manœuvre politique concertée, révélant la main invisible du pouvoir exécutif derrière les juges.
Paris détricote l’accord tout en prêchant le dialogue
Ces faits montrent que la France a commencé à démanteler unilatéralement l’accord de 1968, sans la moindre concertation avec son partenaire algérien. Un comportement contraire aux règles diplomatiques et au droit international. Pire encore, quelques jours seulement après cette décision controversée du 28 octobre, le nouveau Premier ministre français, Sébastien Lecornu, appelait hypocritement à « revoir l’accord de 1968 ». Difficile de ne pas y voir une stratégie bien rôdée : saboter d’abord l’accord, puis accuser Alger de refuser le dialogue.
Une campagne médiatique et politique contre l’Algérie
Deux députés de la majorité présidentielle ont récemment présenté un rapport affirmant que l’accord de 1968 coûterait près de 2 milliards d’euros par an à la France. Un argument fallacieux, utilisé pour justifier un projet de démantèlement progressif de l’accord. Tout indique qu’il s’agit d’une offensive politique planifiée, visant à réduire les droits spécifiques accordés depuis plus d’un demi-siècle aux ressortissants algériens, héritage d’une histoire commune que la France préfère désormais effacer.
Un appel à une réaction ferme d’Alger
Face à ces atteintes répétées, une réaction forte de l’Algérie s’impose. L’accord de 1968, qui incarne la reconnaissance d’un lien humain, historique et juridique entre les deux peuples, ne peut servir de variable d’ajustement à la politique intérieure française ni d’instrument de chantage diplomatique. Alors que Paris se targue de prôner « l’État de droit » et le « respect des traités », elle s’autorise à violer ouvertement un engagement bilatéral fondamental, en cédant à la pression des nostalgiques de l’Algérie coloniale.
