Par Chiraz Kherri
Une enquête récente de l’association BLOOM, a révélé une contamination alarmante des boîtes de thon vendues en Europe par du mercure, un métal lourd toxique.
Ainsi, cette découverte a suscité une réaction forte chez les consommateurs à travers les réseaux sociaux, inquiets des dangers pour leur santé. Publié le 29 octobre 2024 sous le titre « du poison dans le poisson », le rapport met en lumière les risques liés à la consommation de ce produit phare, très prisé dans nos cuisines.
Des thons et une toxicité
En effet, sur les 148 boîtes de thon analysées, toutes contenaient du mercure, et plus de la moitié dépassaient la limite maximale tolérée pour d’autres espèces de poisson comme le cabillaud, soit 0,3 mg/kg. Cette contamination provient du méthylmercure, une forme organique du mercure hautement toxique qui s’accumule dans la chair des poissons.
Les résultats de l’enquête BLOOM indiquent que la contamination au mercure varie selon l’espèce de thon, la taille et l’habitat du poisson. Par exemple, la bonite à ventre rayé, bien que commercialisée sous le nom de thon, présente des niveaux de mercure généralement plus faibles puisqu’elle se nourrit dans des eaux peu profondes. En revanche, le thon obèse, le thon rouge, le thon albacore, et le thon germon vivent à des profondeurs où les concentrations de méthylmercure sont plus élevées.
En grandissant, ils accumulent davantage de polluants dans leur chair, augmentant ainsi le risque pour la santé humaine. Les « super-prédateurs » océaniques, comme le thon, l’espadon, et le requin, concentrent le mercure au travers de la bioaccumulation.
L’UE trop laxiste ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le mercure est l’une des substances les plus préoccupantes, au même titre que l’amiante et l’arsenic. Le méthylmercure, quant à lui, est classé comme cancérogène possible pour l’homme.
Pourtant, en Europe, les teneurs maximales de mercure autorisées dans le thon reposent non pas sur le risque réel pour la santé, mais sur des niveaux de contamination observés, visant à garantir la vente de la plupart des produits disponibles. BLOOM et l’organisation de protection des consommateurs foodwatch dénoncent cette réglementation comme insuffisante pour protéger la santé des consommateurs.
La Commission européenne interpellée
Face à ces révélations, BLOOM et foodwatch exhortent la Commission européenne à fixer une limite stricte de 0,3 mg/kg de mercure pour le thon, comme c’est le cas pour d’autres espèces. De plus, les États membres devraient interdire immédiatement tout produit dépassant ce seuil dans leurs territoires respectifs. En outre, elles demandent aux gouvernements de retirer le thon des cantines et des hôpitaux pour protéger les publics vulnérables.
Les distributeurs européens, quant à eux, sont également ciblés par une pétition visant les grandes enseignes comme Carrefour, Lidl et Aldi. BLOOM et foodwatch exigent que ces distributeurs contrôlent les teneurs en mercure, cessent les promotions sur le thon, et informent les consommateurs des risques par un étiquetage clair. Julie Guterman, chercheuse à BLOOM, rappelle que les supermarchés ont le devoir moral de garantir la sécurité des produits qu’ils commercialisent. Des gestes simples à adopter
Les consommateurs sont invités à privilégier les espèces de thon les moins contaminées, telles que la bonite, ou à opter pour des alternatives plus sûres, comme les poissons non-prédateurs, qui présentent moins de risques de contamination au mercure. Les femmes enceintes et les enfants devraient être particulièrement vigilants, car le méthylmercure est un neurotoxique puissant qui affecte gravement le développement du cerveau chez les jeunes enfants et les fœtus.
Quels risques pour l’Algérie ?
De son côté l’Algérie intensifie ses efforts dans le secteur de la pêche pour répondre aux besoins de la production halieutique. Le gouvernement table sur la pêche en haute mer et le développement de l’aquaculture pour atteindre un objectif ambitieux : produire annuellement 200 000 tonnes de produits de la mer.
Lundi dernier, le ministre de la Pêche et des Productions halieutiques, Ahmed Badani, a annoncé lors d’une visite à Tlemcen le lancement d’un projet stratégique pour le secteur : la ferme d’engraissement de thon rouge au port de Sidi Youchâa. Première initiative de ce type à l’échelle nationale, ce projet est conçu pour une capacité de production de 950 tonnes et pourrait générer des recettes supplémentaires estimées à 10 millions de dollars grâce à l’exportation du thon rouge.
Afin d’assurer la sécurité des consommateurs, il serait pertinent que les chercheurs, notamment en Algérie, surveillent et analysent régulièrement la quantité de mercure dans les produits de thon. Cette démarche permettrait de suivre son évolution au fil du temps, garantissant ainsi la qualité et la sécurité de ces produits halieutiques sur le marché.
C.K