Depuis le dimanche 7 décembre, une tension inhabituelle règne aux postes-frontières d’Oum Teboul et d’El Aïoun, dans la wilaya d’El Tarf.
Ainsi, des dizaines de bus transportant des voyageurs algériens à destination de la Tunisie sont immobilisés depuis l’entrée en vigueur, le jour même, d’une nouvelle exigence administrative : la présentation d’une autorisation provisoire de transport international de voyageurs, délivrée par les directions des transports de wilaya.
Haro sur le « business » de l’allocation touristique!
Une mesure appliquée immédiatement à tous les postes-frontières terrestres, sans communication préalable, selon les organisateurs de voyages qui dénoncent une décision « surprise » ayant entraîné la saturation totale des aires de stationnement.
Selon plusieurs sources proches des postes-frontières, la mesure vise à répondre à un phénomène devenu préoccupant : l’exploitation abusive du droit de change touristique, fixé à 750 euros par voyageur, révisé à la hausse en juillet 2025.
Alger et Tunis « torpillent » les fraudeurs
Ces sources révèlent que certains voyages de groupe en bus, intitulés « séjours touristiques », servaient en réalité à permettre à des voyageurs de retirer l’allocation en devise, avant d’en revendre une partie au marché parallèle une fois rentrés en Algérie.
Ces séjours, souvent d’une durée d’une semaine, ont engendré, selon les mêmes sources, des « dérives, pratiques abusives » et des « problèmes sociaux » en Tunisie, conduisant Alger et Tunis à instaurer des mesures coordonnées pour freiner ce phénomène. Jusqu’à présent, aucune réaction officielle n’a été publiée ni par les autorités algériennes ni par les autorités tunisiennes.
La Banque d’Algérie rappelle à l’ordre
D’ailleurs, face à l’amplification du phénomène, la Banque d’Algérie est sortie de son silence le 7 décembre dans un communiqué ferme. Elle rappelle que le droit de change au taux officiel est strictement personnel et destiné exclusivement au voyage. Elle cite l’instruction 05-2025, dont l’article 10 « interdit et sanctionne toute manœuvre visant à détourner l’usage du montant du droit de change », conformément à la législation en vigueur. Ce rappel intervient alors que les voyages en bus en direction de la Tunisie ont explosé en 2025, stimulés par la revalorisation de l’allocation touristique.
Un contexte marqué par un afflux record de touristes algériens
La mesure intervient alors que l’année 2025 connaît une hausse historique des flux touristiques algériens vers la Tunisie. Selon les chiffres officiels tunisiens, près de 1,5 million d’Algériens ont franchi les postes-frontières du gouvernorat de Jendouba jusqu’à fin novembre 2025. Les statistiques du Commissariat régional au tourisme de Tabarka et Aïn Draham font état de 1.413.199 arrivées, contre 1.136.834 sur la même période en 2024, soit une progression de 24,31 %. Cette dynamique a eu un impact économique notable sur l’hôtellerie, le transport touristique, l’artisanat et les activités de loisirs.
Anticipant une nouvelle vague d’arrivées pour les fêtes de fin d’année, les autorités tunisiennes ont d’ailleurs intensifié leurs efforts d’accueil, en installant notamment des bureaux d’information aux postes-frontières. Cependant, l’exigence de la nouvelle licence côté algérien pourrait perturber cette période cruciale pour le tourisme tunisien.
Une situation toujours bloquée dans l’attente d’une annonce officielle
À ce stade, malgré l’ampleur du blocage et la détresse de nombreux voyageurs, aucune communication officielle n’a été publiée. Les deux pays, engagés ces dernières années dans un renforcement de leur coopération sécuritaire et touristique, restent silencieux sur les raisons exactes et la durée potentielle de cette nouvelle mesure.
En attendant une clarification, des centaines de passagers demeurent dans l’incertitude, tandis que les professionnels du tourisme redoutent un impact direct sur les voyages programmés pour le mois de décembre.
