L’ambassadeur d’Algérie aux États-Unis, Sabri Boukadoum, a livré un exposé riche et éclairant sur les orientations diplomatiques d’Alger, lors d’un dialogue organisé mardi dernier à Washington.
Ainsi, l’intervention, qui s’inscrivait dans le cadre du premier épisode de la nouvelle série « Ambassador Series » du Stimson Center — un think tank américain consacré cette année aux enjeux géopolitiques et économiques d’Afrique du Nord — a permis d’offrir une lecture approfondie des mutations politiques et économiques engagées en Algérie.
Des réformes « vastes » et structurantes dès 2020
En effet, ce premier épisode, conçu comme un cycle de dialogues destiné à mieux comprendre la région, a donné l’occasion à Sabri Boukadoum de revenir sur les priorités de la politique étrangère de l’Algérie et la vision stratégique portée par le président Tebboune.
L’ambassadeur est revenu sur son arrivée à la tête de la diplomatie, un moment coïncidant avec une phase politique décisive. « Lorsque le président Tebboune m’a nommé, il venait tout juste d’être élu, à la toute fin de 2019 », a-t-il rappelé. « Nous avons réellement commencé en janvier 2020, et nous avons été immédiatement rattrapés par la crise du Covid ».
Cette crise mondiale a eu un impact direct sur le programme présidentiel, mais n’a pas empêché le lancement d’un plan de réformes « vaste » et structurant.
Dès le début du mandat, la révision de la Constitution a été engagée, introduisant notamment la limitation du nombre de mandats à deux, le renforcement des contre-pouvoirs et du contrôle citoyen.
« Rien n’est parfait, ni chez nous ni ailleurs », reconnaît le diplomate, tout en soulignant l’importance de poursuivre une vision tournée vers l’avenir, portée par une large adhésion de la population.
Femmes, jeunesse et moralisation de la vie politique
Sabri Boukadoum a tenu à mettre en avant les progrès réalisés en matière de représentation féminine : un tiers des listes électorales, locales comme législatives, doit être composé de femmes.
Une obligation parfois « problématique » pour certains partis, mais considérée comme une avancée majeure. L’ambassadeur a également insisté sur l’importance de l’autonomisation de la jeunesse : « 70 % des Algériens ont moins de 30 ans », a-t-il rappelé, un atout démographique autant qu’un défi. C’est dans cette logique qu’a été créé le Haut Conseil de la jeunesse, instance consultative rattachée directement au Président.
Il est également revenu sur la réforme de la loi électorale, qui interdit l’argent sale, promeut la participation des jeunes et des femmes, et instaure un financement public des campagnes pour réduire les dépendances privées. Une dynamique complétée par la création du Conseil national de la société civile. « Toutes ces structures post-2020 commencent à produire des résultats encourageants », a estimé Boukadoum.
Une réponse directe aux aspirations du Hirak
Dans ce sillage, le diplomate a souligné que l’ensemble de ces réformes répondent aux attentes exprimées lors du Hirak, « un mouvement pacifique, l’un des rares dans la région à s’être déroulé sans violence ».
Après ce mouvement populaire, de nouvelles élections ont été organisées et une institution inédite a vu le jour : l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), qui a remplacé le ministère de l’Intérieur dans la gestion des scrutins. Même les élections des communautés algériennes à l’étranger sont désormais assurées par l’ANIE, qui nomme ses propres équipes et publie les résultats. « Voilà où nous en sommes après six années de réformes », résume Boukadoum.
Une économie qui s’ouvre et attire les investissements
Abordant les perspectives économiques, l’ambassadeur a insisté sur la nécessité pour l’Algérie de « s’ouvrir », un axe majeur du programme du président de la République. D’ailleurs, une nouvelle loi sur l’investissement a été adoptée, clarifiant l’environnement juridique et économique, et garantissant transparence et sécurité aux investisseurs. « Aujourd’hui, quelqu’un qui veut investir en Algérie connaît exactement ses droits, ses devoirs et la part qui lui est garantie », y compris pour les investisseurs étrangers, a-t-il précisé.
La règle 51/49 ne s’applique désormais qu’aux secteurs stratégiques, ce qui renforce l’attractivité du pays. Cette dynamique a permis à l’Algérie d’être classée, cette année, « première au monde en matière de lutte contre la pauvreté » dans le cadre des Objectifs de développement durable. Un classement que Boukadoum considère comme la preuve de la solidité des engagements sociaux de l’État.
Un modèle social que l’Algérie veut préserver
En conclusion, l’ambassadeur a réaffirmé la volonté de l’État de préserver son modèle social, caractérisé par l’accessibilité aux services essentiels : « L’électricité, le gaz, l’eau, la scolarité, la santé sont accessibles à des prix très bas, pour ne pas dire quasiment gratuits ».
Il a toutefois insisté sur la nécessité de réduire la dépendance du pays aux hydrocarbures et d’accélérer la diversification. Selon lui, celle-ci est déjà « réelle » dans l’agriculture, la pharmacie ou encore l’industrie légère.
Le diplomate a également évoqué les réformes engagées dans le financement économique, dont la création d’une institution inspirée du Small Business Administration Council américain et d’une nouvelle banque numérique dédiée aux start-ups.
