L’affaire a des allures de thriller Hollywoodien et soulève de lourdes interrogations sécuritaires.
Ainsi, un ferry italien de la compagnie GNV, baptisé « Le Fantastic », est au cœur d’une enquête judiciaire sensible après la découverte d’un dispositif informatique malveillant susceptible de permettre la prise de contrôle à distance du navire.
Un « RAT » à bord !
Les faits se sont déroulés au port de Sète, dans le sud de la France, alors que le bateau devait assurer une traversée vers Béjaïa, en Algérie.
En effet, tout a débuté à la suite d’un renseignement transmis par les autorités italiennes aux services français.
Selon ces informations, le système informatique du ferry serait potentiellement compromis par l’installation d’un outil de type Remote Access Tool (RAT), un logiciel espion permettant un contrôle à distance.
Alertée, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) intervient en urgence à bord du navire dès le vendredi, sur instruction directe du parquet de Paris.
Les investigations conduisent rapidement à l’interpellation de deux membres de l’équipage, de nationalités lettone et bulgare, le 12 décembre. L’un venait tout juste d’être recruté par GNV en tant que marin en formation, tandis que l’autre était déjà employé à bord.
Deux membres de l’équipage arrêtés
Les enquêteurs soupçonnent les deux hommes d’avoir infecté le système informatique du ferry afin d’y installer le dispositif malveillant.
À l’issue des perquisitions menées à bord et en France, une information judiciaire est ouverte pour « atteinte à un système de traitement automatisé de données en bande organisée dans le but de servir les intérêts d’une puissance étrangère », ainsi que pour « participation à une association de malfaiteurs ». L’enquête est confiée à des juges d’instruction parisiens et pilotée par la DGSI, spécialisée dans le contre-espionnage.
Parallèlement, des perquisitions sont menées en urgence en Lettonie, avec le soutien d’Eurojust et des autorités locales. Le ressortissant letton est mis en examen et placé en détention provisoire, tandis que le suspect bulgare est remis en liberté, aucune charge n’ayant été retenue contre lui à ce stade.
La piste d’une ingérence étrangère
Pour le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, il s’agit d’une affaire « très grave ». Les enquêteurs explorent clairement la piste d’une ingérence étrangère, possiblement liée à une puissance étrangère, même si les contours exacts de cette opération restent flous. Le dossier est en grande partie couvert par le secret de la défense nationale, empêchant toute précision sur les motivations ou les commanditaires présumés.
L’avocat du suspect letton, Me Thibault Bailly, conteste toutefois la thèse d’une implication étrangère, estimant qu’elle est prématurée. Selon lui, l’instruction devra permettre de démontrer que l’affaire n’est « pas aussi inquiétante qu’elle a pu l’être de prime abord ».
Un scénario redouté dans le secteur maritime
La possibilité d’une prise de contrôle à distance d’un navire constitue l’un des scénarios les plus redoutés par les professionnels du transport maritime. Une telle attaque pourrait entraîner des conséquences physiques graves, en cas de collision volontaire ou accidentelle, de prise d’otages, mais aussi un fort impact politique, médiatique et économique.
Dans ce dossier précis, le ferry Le Fantastic, capable de transporter plus de 2000 passagers, a été immédiatement immobilisé et placé sous scellé afin de permettre les vérifications techniques.
La compagnie GNV affirme avoir identifié et neutralisé la tentative d’intrusion, précisant que ses systèmes étaient efficacement protégés et qu’aucune conséquence n’a été relevée sur ses infrastructures informatiques. L’entreprise assure également avoir pleinement coopéré avec les autorités depuis le début de l’enquête.
Des passagers algériens lourdement impactés
Cette opération judiciaire a toutefois entraîné des conséquences directes pour les voyageurs. Le samedi 13 décembre, 650 passagers, majoritairement algériens, qui devaient embarquer pour la traversée Sète–Béjaïa, se sont retrouvés bloqués toute la journée à l’entrée du port, sans informations claires ni dispositif d’assistance.
Ce n’est qu’après validation des autorités maritimes françaises, et une fois tout danger écarté, que le ferry a été autorisé à reprendre la mer. Les passagers ont finalement embarqué vers 22 heures, accusant un retard de près de 16 heures sur l’horaire initial. Plusieurs voyageurs ont dénoncé un manque total de communication et d’accompagnement durant cette attente éprouvante.
Si le navire a désormais repris ses rotations, l’enquête, elle, se poursuit. Cette affaire met en lumière les nouvelles menaces hybrides pesant sur les infrastructures de transport et rappelle la vulnérabilité stratégique du secteur maritime.

