Le projet de gazoduc d’hydrogène SoutH2 Corridor, qui doit relier l’Algérie à l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne, vient de franchir un cap majeur dans sa marche vers la concrétisation.
Ainsi, la Commission européenne a publié sa nouvelle liste des projets d’intérêt commun (PCI) et des projets d’intérêt mutuel (PMI), y intégrant officiellement le SoutH2 Corridor.
Il s’agit là d’une reconnaissance stratégique qui ouvre la voie à des procédures accélérées et à un accès privilégié aux financements européens.
Un projet stratégique inscrit dans les priorités énergétiques de l’UE
En effet, les listes PCI et PMI rassemblent les infrastructures considérées comme essentielles pour atteindre les objectifs européens de transition énergétique, de sécurité d’approvisionnement et d’intégration des marchés énergétiques.
Les PCI concernent les infrastructures internes à l’UE, tandis que les PMI incluent les projets transfrontaliers entre l’UE et des pays tiers, dont la contribution est jugée déterminante.
La nouvelle liste de la Commission comporte 235 projets, dont 100 dédiés à l’hydrogène : électrolyseurs, stockage, réseaux de transport, et pipelines transfrontaliers. Parmi eux, des projets reliant par exemple la Belgique au Royaume-Uni ou encore la Tunisie à l’Italie.
Dans ce panorama, le corridor SoutH2 se distingue par son ambition : transporter de l’hydrogène vert d’Algérie vers l’Europe via un réseau de 3300 km, passant notamment par la Tunisie.
Le projet répond à une convergence d’intérêts stratégiques : l’Algérie et la Tunisie peuvent ainsi valoriser leur formidable potentiel en énergies renouvelables, tandis que l’Europe bénéficie d’une nouvelle voie d’approvisionnement diversifiée et sécurisée.
L’Algérie, un producteur d’hydrogène vert hautement compétitif
L’Algérie dispose d’atouts majeurs qui renforcent l’intérêt du projet. Grâce à un coût de production d’électricité renouvelable parmi les plus bas au monde, elle peut produire de l’hydrogène vert à des prix extrêmement compétitifs.
Sa proximité géographique avec l’Europe, ainsi que l’existence d’infrastructures gazières robustes à Hassi R’mel et Hassi Messaoud, facilitent également l’intégration au réseau énergétique européen.
Ces éléments positionnent le pays comme un acteur de premier plan sur le marché mondial de l’hydrogène vert et confortent son rôle de fournisseur stratégique pour l’Europe.
Un accès renforcé aux financements européens
L’inscription officielle du corridor SoutH2 dans les projets prioritaires ouvre la porte au financement via le Connecting Europe Facility (CEF), le mécanisme dédié aux infrastructures énergétiques. Pour la période 2028-2034, le budget du CEF est passé de 5,84 milliards à 29,91 milliards d’euros, traduisant l’importance accordée aux projets stratégiques.
Début 2025, 258 millions d’euros avaient déjà été attribués à 21 projets hydrogène figurant sur les listes PCI/PMI.
La liste actuelle devra encore passer par une phase d’examen de deux mois au Parlement européen et au Conseil des ministres de l’Énergie, qui pourront l’approuver, la rejeter ou demander un délai supplémentaire.
Pour le commissaire européen à l’Énergie, « l’infrastructure énergétique n’est pas seulement l’épine dorsale de notre Union de l’énergie ; elle est le fondement d’une Europe forte et prospère ». Une déclaration qui illustre le poids stratégique attribué au SoutH2 dans la vision énergétique du continent.
L’UE avait déjà identifié le projet comme prioritaire en 2023, et sa reconduction dans la liste actuelle laisse présager son intégration dans le prochain plan industriel de Snam, le premier opérateur européen de transport de gaz.
Le cas particulier du projet d’interconnexion Medlink
Outre l’hydrogène, la liste de la Commission recense également 113 projets d’électricité offshore et de réseaux intelligents, 17 projets d’infrastructures pour le transport du carbone, ainsi que 3 projets liés aux réseaux gaziers naturels modernisés.
Parmi eux figure le projet Medlink, une interconnexion électrique reliant l’Algérie, la Tunisie et l’Italie. Validé fin juillet, Medlink prévoit le développement de 10 gigawatts d’énergies renouvelables, combinant solaire, éolien terrestre et stockage par batteries, dont une partie sera exportée vers l’Italie.
Cependant, la Commission précise que certains investissements internes, nécessaires en Algérie et en Tunisie, ne sont pas admissibles dans la liste PCI/PMI. Il s’agit notamment de la ligne en courant alternatif Annaba–Touggourt en Algérie et de la ligne De Jebil–Marsa Dhib en Tunisie. Ces segments, bien que partie intégrante du projet global, ne bénéficieront pas du statut prioritaire européen.
Un cadre réglementaire accéléré et des avantages décisifs
Les projets PCI et PMI profitent d’un ensemble d’avantages clés :
- Procédures d’autorisation rationalisées, limitées à 3 ans et demi ;
- Guichet unique pour coordonner toutes les démarches administratives ;
- Évaluations environnementales accélérées ;
- Statut prioritaire dans les politiques énergétiques européennes.
Pour le SoutH2 Corridor, ces mesures pourraient significativement accélérer sa mise en œuvre.
Un projet structurant pour l’Europe… et une opportunité historique pour l’Algérie
À mesure que le corridor SoutH2 progresse vers sa concrétisation, il devient l’un des symboles de la transition énergétique européenne. Il permettra au continent de sécuriser un approvisionnement stable en hydrogène vert, énergie clé pour décarboner l’industrie et les transports.
Pour l’Algérie, ce projet représente une opportunité stratégique : consolider sa position d’acteur énergétique incontournable, entamer une diversification majeure vers les énergies renouvelables et renforcer ses partenariats avec les grandes économies européennes.

