Formation professionnelle à Ghardaïa : Les raisons d’un désamour ! 

Malgré toutes les campagnes incitatives pour amener les jeunes exclus du circuit scolaire à embrasser une carrière par le biais d’un métier, beaucoup de réticence et peu d’engouement des jeunes pour la formation professionnelle sont observées à Ghardaïa.  

Ainsi, des chiffres traduisent cet état de fait : sur 6190 postes pédagogiques proposés, seuls 3325 inscrits pour la session de février 2025, ont été enregistrés, soit près 49% des places pédagogiques sont restées vacantes. 

La culture de la formation fait défaut !

En effet, plusieurs facteurs participent à cette réticence profonde des jeunes, éjectés du système scolaire, à acquérir un métier par le biais d’une formation auprès des centres de la formation professionnelle et ce qu’elle soit qualifiante ou diplômante. Elle est surtout suscitée par le spectre du chômage à la fin de la période de formation, avec la désagréable conclusion d’avoir perdu son temps et son énergie pour revenir à la case départ. « Beaucoup de mes amis et de mes anciens camarades de lycée qui ont suivis des formations professionnelles sont revenus s’adosser aux murs de leurs quartiers, faute de débouchés conformes à leurs types de formations » affirme un jeune du quartier de Sidi Abbaz , qui ajoute « je préfère , en attendant de trouver mieux , de faire des petits boulots à gauche et à droite , que d’aller suivre une formation sans aucune assurance de trouver un emploi dans le domaine dans lequel j’aurai été formé. » Tout est dit et résumé en quelques phrases.

Des offres adaptées aux besoins du marché

C’est dans ce contexte de « désamour » que la session de février a été lancée ce dimanche 23 février 2025 à partir du centre de formation et de l’enseignement professionnels de Guerrara « Cheikh Mohamed Abdellaoui Mermouri », à 130 kms au nord, par Abdellah Abi Nouar, le wali de la wilaya de Ghardaïa accompagné par Mohamed Aggueb, le directeur de la formation et de l’enseignement professionnel (DFEP) de la wilaya de Ghardaïa.

CFPA Cheikh Mohamed Abdellaoui Mermouri »

Ainsi, dans une allocution liminaire, Mohamed Aggueb, le directeur de la formation et de l’enseignement professionnels de la wilaya a rappelé que son secteur « est l’anti chambre de secteur de l’éducation au sens où, se plaçant en alternative à la déperdition scolaire, il absorbe la masse des exclus du système éducatif, en les prenant en charge pour en faire des ouvriers qualifiés et des techniciens dans divers domaines. » 

Seulement, ajoute-t-il « et afin de réunir toutes les conditions à même de permettre aux entreprises économiques de dégager des postes à ces nouveaux arrivants sur le marché de l’emploi, il y nécessité d’adapter nos offres à la demande du marché en mettant en place une stratégie, basée sur la rationalité, et surtout une vision claire consistant à lancer des spécialités en fonction du contexte géographique et économique de la région. Nos offres partent d’une étude réaliste basée sur les intérêts des apprenants et des besoins du marché local. Elles s’intègrent dans les propositions contenues dans la carte pédagogique de la région, tracée pour le moyen et le long terme, prenant en compte, en priorité, les besoins du marché local de l’emploi ».

L’État a mis le paquet ! 

En effet et pour être en adéquation avec les orientations du gouvernement en matière de diversification de l’économie nationale, en donnant la priorité notamment au triptyque des filières de l’agriculture, du tourisme et de l’industrie, il serait beaucoup plus indiqué de réfléchir à privilégier la formation dans des spécialités et domaines spécifiques à la wilaya de Ghardaïa. Ainsi, et pour prendre en charge la demande sociale, le secteur de la formation et de l’enseignement professionnel a mobilisé tous les moyens nécessaires en infrastructures, équipements techniques et scientifiques et l’encadrement adéquat. Nonobstant le fait qu’à partir du postulat que la formation professionnelle évolue avec les techniques et les métiers, notamment du fait de la révolution technologique et numérique, il a été donné importance à la diversification des offres de formation et ce justement pour répondre efficacement aux besoins du développement économique et en priorité, aux besoins de la conjoncture économique actuelle. Mais, partant du postulat qu’il est dorénavant plus que nécessaire d’appréhender la question de l’orientation post-système obligatoire, largement responsable des déperditions scolaires au secondaire, il n’est plus question de former pour former.

Quatre nouvelles spécialités

À titre de rappel, pour cette session de février 2025, le secteur de la formation et de l’enseignement professionnelle de la wilaya de Ghardaïa qui dispose d’une capacité de pas moins de 6190 places, réparties sur 18 CFPA d’une capacité de 3900 places, 1 annexe de centre de formation et d’enseignement professionnel de 100 places, 1 institut national spécialisé en formation professionnel (INSFP) pour 600 places,  1 institut d’enseignement professionnel (IEP) de 1000 places  et 5 établissements privés agrées en formation professionnel pour une capacité de 590 places pédagogiques , a programmé pour cette session de Février 2025 l’ouverture de quatre (04) nouvelles spécialités dans le domaine de la formation  professionnelle. Ils viennent ainsi en appoint étoffer une déjà assez large palette d’offre de formation dont l’objectif reste indubitablement la réponse concrète et effective aux besoins du marché de l’emploi local. Ces quatre (4) nouvelles spécialités concernent : « L’infographiste Maquettiste » au niveau de l’institut national spécialisé de la formation professionnelle (INSFP) Mohamed Chérif Messaâdia de Noumérat, « isolation thermique et acoustique » au CFPA mixte « Moudjahid Bendekene Baghdad Ben Abdelkader » de Ghardaïa, « Tourisme /Option : agence de voyage » au CFPA « Chahid Rouidji Mâamar » de Metlili et « Audiovisuel/ Option : Montage » au CFPA « Chahid Djedid Sassi  » de Metlili El Djadida. Pour le dispatching des 6190 postes pédagogiques offerts lors de cette session, la répartition se présente comme suit : 2105 postes pour les formations diplômantes et 1890 en formation qualifiante, soit 455 postes pédagogiques (diplômantes) en formation résidentielle, 790 postes pédagogiques (diplômantes), au titre de la formation par apprentissage , 405 postes pédagogiques (diplômantes) en formation passerelle, 390  postes pédagogiques (diplômantes)  155 postes pédagogiques (qualifiantes) en cours du soir et 120 postes pédagogiques en formation conventionnée et 180 postes pédagogiques en formation diplômantes auprès d’établissements privés agrées. Pour ce qui est de la formation qualifiante, dont 1890 postes lui sont réservés, 60 d’entre eux sont destinés aux cours du soir, 400 en formation qualifiante initiale, 30 postes pour la formation en milieu rural, 120 en formation conventionnée, 560 pour la femme au foyer, 180 postes pour les détenus, 720 pour les bénéficiaires de l’allocation chômage et 90 dans les établissements privés agrées.    800 postes sont réservés, en formations qualifiantes, aux femmes au foyer. Trois autres types de formation qualifiante sont aussi mis à la disposition des candidats, à savoir la formation en milieu rural qui est dotée de 80 postes pédagogiques, la formation des catégories particulières pour lesquelles pas moins de 185 postes pédagogiques sont mises à disposition ainsi que 1860 pour la formation des bénéficiaires d’allocations chômage.

Les élus locaux doivent s’impliquer

Le développement local, qui est un des attributs des P/APC et élus locaux passe nécessairement par la disponibilité d’une main d’œuvre de qualité. La pâte existe, il suffit de la modeler. Et là, c’est l’affaire de la formation professionnelle pour peu que ces élus et édiles incitent leurs jeunes administrés, éjectés du système scolaire, à aller acquérir un métier. « En tant que présidents des commissions communales de l’apprentissage et de la formation, les présidents d’APC assument une grande responsabilité en matière de stratégie de formation », rappelle, et à juste titre, un cadre du cabinet du wali de Ghardaïa. « Ils doivent constituer de ce fait, ajoute-t-il, une force de proposition dès lors qu’ils sont les mieux placés pour connaître les besoins de leurs communes et de la situation des jeunes qui y vivent. »

Pourquoi ça coince ? 

Malgré tous les efforts consentis par l’état pour inciter les jeunes, notamment ceux exclus du système scolaire d’embrasser un métier qui les mettrait à l’abri du besoin pour l’avenir, il reste à déplorer le manque d’attrait de la jeunesse pour la formation professionnelle. Même en l’absence de statistiques fiables, le croisement des chiffres des années précédentes, notamment les deux dernières sessions, du moins en ce qui concerne la wilaya de Ghardaïa, démontre le très peu d’engouement que suscite la formation professionnelle aux yeux de notre jeunesse. Ce qui est très loin par rapport aux moyens matériels, infrastructurels et humains, déployés par les pouvoirs publics pour attirer ceux qui sont, notamment, en échec scolaire d’apprendre un métier qui puisse leur garantir une insertion dans le monde du travail. Une étude pointue et exhaustive se doit d’être engagée pour mettre le doigt sur ce qui achoppe en matière d’intéressement de la jeunesse pour ce créneau formatif. Cela dit, il ne sert à rien de construire des structures qui resteront orphelines d’apprenants. Le cas de certains centres de formation pratiquement sans presque le minimum d’apprenants est édifiant à ce sujet. 

Avec la cohorte de jeunes qui quittent chaque année le système de l’éducation nationale, 500 000 selon les dernières statistiques, et dont la quasi-majorité aspire à une formation professionnelle pour s’insérer au plus vite dans le marché du travail, il y a lieu de se demander si l’offre de formation est en étroite corrélation et adéquation avec les besoins réels des différentes branches de l’économie nationale. Les jeunes en quête d’une formation se posent souvent cette question : à quoi sert de se former si les opportunités d’emploi correspondant à leur qualification sont plutôt minimes et en plus mal rémunérées ? Une appréhension tout à fait légitime et sur laquelle les pouvoirs publics doivent se pencher sérieusement pour veiller à ce que les jeunes qualifiés trouvent sans trop de difficultés un emploi.

Ceci dit, et au regard des efforts consentis par les pouvoirs publics pour la formation des jeunes, notamment ceux éjectés du système scolaire, il y lieu cependant de revoir la stratégie adoptée jusqu’ici, et qui, le moins que l’on puisse en déduire, n’a pas été à la hauteur des attentes. En effet et quand bien même les résultats sont probants, il est  impératif et plus urgent que jamais d’adapter l’enseignement et la formation professionnelle aux nouvelles exigences économiques du pays, en particulier  orienter les cursus en fonction de la demande du marché local.En effet, la nouvelle donne économique de la fin du tout hydrocarbure exige également la mise en place de nouvelles spécialités de formation qui soient adaptées aux besoins économiques du pays à l’échelle nationale, et de la région à l’échelle locale. Dans cette conjoncture économique, les métiers inhérents à l’agriculture doivent être priorisés, compte tenu du fait que le travail de la terre constitue une alternative pérenne pour l’avenir du pays. En tout état de cause, le rôle du secteur de la formation ne doit plus être limité, ni cantonné à la formation et l’octroi de diplômes mais d’englober également le perfectionnement de l’encadrement des entreprises économiques et la diversification des offres de formation, de manière à accompagner la dynamique économique actuelle et à répondre, en temps réel, aux attentes des opérateurs.

En somme, en un mot comme en cent :  Développer une stratégie de réponse aux questions de l’heure en termes de formation et d’adaptation aux attentes du marché de l’emploi. Sortir de la dépendance du tout hydrocarbure implique impérativement et fondamentalement une préparation à la relève par une formation adéquate et de qualité de la ressource humaine aux métiers de substitutions. Nous avons cité, au niveau des régions sahariennes, bien entendu, l’agriculture, le tourisme et l’industrie. C’est ce triptyque, et lui seul, qui peut et doit impérativement orienter et placer le pays sur les rails d’un développement vert, durable et sécurisant pour la nation. C’est le défi à relever … Il en va de l’avenir des générations futures. 

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