Le marché de voiture en Algérie vit une période des plus instables, où les prix ne cessent de fluctuer au gré des spéculations, ouï-dire et autres « fake news » distillées ici et là. Après un mois d’avril plutôt clément, où les prix des véhicules d’occasion avaient connu une relative baisse, en cette fin du mois de mai, les prix sont repartis à la hausse.
À Bouira et plus précisément au niveau du marché hebdomadaire de voitures d’occasion d’Aomar (100km à l’est de la capitale), l’un des plus importants du centre du pays, les acheteurs, acquéreurs, tout comme les revendeurs étaient dans l’expectative. Ce mardi, un constat des plus saisissants sautait aux yeux : les potentiels acquéreurs comme les revendeurs, se regardent en chiens de faïence. Ce marché se compose essentiellement de modèles des années 2000, mais également quelques voitures récentes. Quant aux prix, ils dépassent tout entendement. Ainsi, une Dacia Logan année 2008, « s’affiche » à 145 millions de centimes, et pour les voitures récentes, les prix sont vertigineux et repoussent les acheteurs. Il faut dire qu’une Nissan Micra mise en circulation 2013 est estimée à 200 millions de centimes, ou encore une Hyundai Accent de 2010, avec 205 000 kilomètres au compteur, frôlant les 165 millions de centimes, il y’a de quoi refroidir les ardeurs des plus téméraires.
Une hausse entre 30 et 40% en un mois !
« C’est chaud bouillant ! », dira un potentiel acheteur, qui dit s’être déplacé « sans grande conviction ». « Il faudrait une brouette de billets de 2000 DA pour s’offrir une voiture moyenne », dira non sans une pointe d’ironie Hassane, un citoyen de la commune voisine de Djebahia. Notre interlocuteur, l’air nonchalant affirme qu’il est à la quête d’une petite citadine « J’ai vendu ma Cherry QQ année 2015 pour la modique somme de 94 millions de centimes et là je recherche une Accent ou une Dacia Logan, mais visiblement c’est peine perdue, puisqu’elles sont hors de prix », a-t-il fait remarquer. De manière globale et selon plusieurs estimations recueillies, les prix ont augmenté de 30 à 40% par rapport au mois d’avril, date à laquelle les véhicules Fiat faisaient leur entrée sur le marché algérien. Pour le modèle phare de chez Renault, à savoir la Clio Campus (ancien modèle) mis en circulation en 2011, son propriétaire annonce qu’il lui a été offert la somme de 182 millions de centimes. « Une folie », estiment nombre d’acquéreurs croisés sur les lieux. « Elle lui restera sur les bras à coup sûr. Ils (revendeurs, ndlr) nous prennent pour des pigeons bons à déplumer », rouspétera un visiteur. Pourtant et en dépit du peu d’intérêt que suscite ce véhicule auprès des acheteurs, son propriétaire ne se démonte pas. Il exigera la somme de 180 millions ferme et non négociable. « C’est du bon matériel et elle n’a roulé que 200 000 km », s’est-il justifié, sans convaincre grand monde. Il faut dire que le même modèle année 2013, affichant 135 000 km au compteur et pas mal cabossé avec plusieurs retouches sur la carrosserie, s’était vendu quelques minutes auparavant pour la somme de 162 millions de centimes. La Clio 4 immatriculée en 2013 à 192 millions, la Peugeot 301 Active, était cédée à 170 millions, etc. Des prix qui donnent le tournis. Les véhicules Volkswagen, Mercedes à travers leurs différents modèles, sont réellement hors de prix et les citoyens, faisaient mine de ne pas les apercevoir tant les prix proposés, sont choquants.
Les revendeurs dans l’impasse
Ainsi, l’incontournable Golf, dont la série 7 année 2018 avec licence de moudjahid qui se marchandait à près de 460 millions de centimes. Idem pour les Mercedes, qui avoisinent les 700 millions de centimes pour les modèles de 2016. De leur côté, les revendeurs, sans doute émoussés par le manque d’intérêt de la clientèle, ne peuvent plus se permettre le luxe de « narguer » les éventuels acquéreurs. « Franchement, on est dans une impasse (…) le marché stagne, les acheteurs se font rares et les voitures aussi », déclarent certains revendeurs. Madjid, l’un d’entre eux, refuse toutefois de vendre à perte. « Nous ne pouvons plus vendre et ni même acheter, c’est devenu très difficile. Et pour vendre à perte, jamais ! », a-t-il indiqué. Et d’ajouter. Je comprends les consommateurs. Ce n’est plus comme avant, ou avec un budget de 70 ou 90 millions de centimes, on pouvait sortir du marché avec un véhicule qui tient la route, aujourd’hui, il faut au moins 150 à 180 millions de centimes, et encore, ce n’est pas sûr de dénicher quelque chose de potable !», a-t-il admis. Quoi qu’il en soit, il est évident que la « chute vertigineuse » tant attendue et annoncée n’a pas eu lieu. Certes, les prix ont baissé par rapport aux années 2020 et 2021, époque à laquelle ils ont atteint le seuil du déraisonnable, mais ils restent peu abordables comparativement au pouvoir d’achat des citoyens. Rester à espérer que l’arrivée « massive » des voitures Fiat et Opel annoncée pour juillet prochain et l’entrée en production de l’usine Fiat d’Oran prévue pour mars 2024, fassent baisser les prix.
R.B