1959-2025 ,66 ans sont passés depuis cette grande bataille à Ait Yahia Moussa, relevant de la daïra historique de Draâ El Mizan. Aussi, le comité de village d’Ath Houalhadj en collaboration avec l’APC a concocté un programme riche pour commémorer cet événement qui restera gravé dans la mémoire collective.
Ainsi, en plus d’une exposition relatant cette bataille et l’engagement de la zone 4 de la wilaya 3, il y eut tout d’abord la levée des couleurs, une minute de silence suivie du dépôt des gerbes de fleurs devant la stèle érigée à la mémoire des 394 chahids et civils tombés ce jour-là.
La “famille révolutionnaire” au rendez-vous
En effet, il y eut de nombreuses prises de paroles dont celle du maire, du responsable de la Kasmas des Moudjahidines de la localité, du représentant de l’Apw et bien sûr des témoignages importants donnés par le secrétaire général de l’ ONM de Tizi-Ouzou, M. Mohand Ouramdane, du directeur des Moudjahidines de la wilaya et de l’un des acteurs de cette bataille en l’occurrence l’officier de l’ ALN du bataillon du Djurdjura qui avait participé à cette grande bataille, M. Ali Yadadène devant le chef de daira, les représentants des corps de sécurité, des Moudjahidines, des enfants de chouhadas et des enfants de Moudjahidines.
Le dernier intervenant témoigne que depuis le 3 janvier 1959, le colonel Mohamed Bouguerra de la wilaya quatre historique était présent avec ses compagnons de retour d’une grande réunion tenue au QG de wilaya 3 à la fin décembre de l’année 1958. D’autres cadres transitaient par Ait Yahia Moussa tels le commandant Azzedine et Omar Oussedik. Tous les témoignages concordent à une importante rencontre à laquelle devraient participer des cadres des deux wilayas historiques ( 3 et 4) à la maison de Krim Belkacem.
Une bataille mythique !
Cette bataille demeure parmi les grandes batailles livrées par l’armée de libération nationale contre les forces coloniales françaises depuis le déclenchement de la glorieuse guerre de libération nationale du premier novembre 1954 dont l’un des acteurs ayant lancé cette conquête de la libération du joug colonial est le colonel Krim Belkacem natif de cette zone qui fut interdite durant des années.
En effet, depuis que ce grand militant eut accompli son acte de résistance et de refus du colonialisme et ses supplétifs à l’encontre du Caïd Dahmoune, son proche parent, en tentant de le tuer en 1947 avant de devenir l’homme le plus recherché de l’administration coloniale et son armée. Il rejoignit alors les maquis sept ans avant le déclenchement de la glorieuse guerre de libération du premier novembre 1954 où il fut les acteurs de l’entame de cette révolution.
Ainsi, ce 6 janvier 1959, personne ne s’attendait à ce déluge de feu sur Ait Yahia Moussa, berceau de la résistance. A l’origine, nous ont raconté certains rescapés de cette bataille, c’était une réunion importante que devraient tenir de grands responsables de la wilaya 3 historique et ceux de la wilaya 4 au domicile des Krim à Tizra Aissa, lieu de naissance de Krim Belkacem, en vue de tracer une feuille de route pour la poursuite de la guerre car des armes commençaient à manquer aux maquis et les maquisards supportaient mal la situation.
Des rescapés en parlent…
» On disait que des responsables avaient fixé cette date pour se réunir chez les Krim, un lieu sûr. Mais personne ne savait de quoi il s’agirait. Tout était prêt. Seuls ceux qui étaient désignés pour sécuriser les lieux étaient au courant. Les responsables de la wilaya 3 et leurs homologues de la wilaya 4 étaient arrivés à l’actuel chef-lieu communal trois jours avant le rendez-vous. Cependant, nous avons pris par la suite que la mèche aurait été donnée à l’armée coloniale », racontait un rescapé civil dans un enregistrement donné il y a de cela quelques années. Et à ce témoin de poursuivre : » grâce aux informations fournies aux conclavistes que l’information au sujet de ce conclave aurait été apprise aux responsables de l’armée coloniale, le capitaine Oudni Aomar dit Si Moh Nachid a tracé un plan de sortie. Dans la nuit du 5 janvier au 6 janvier, il chargea des éléments rompus aux grandes marches dans les maquis de faire accompagner ces responsables jusqu’au Djurdjura. Fort heureusement, l’opération de ratissage ne fut pas encore décidée sinon une grande partie des têtes de l’ ALN serait décimée. Ce serait toute la révolution qui serait anéantie ». « Nous étions sur des crêtes à surveiller les mouvements de l’armée française. C’était vers trois heures du matin que nous entendîmes les bruits de moteurs des camions ayant démarré de la sinistre caserne de Draâ El Mizan en direction d’Iâllalen où devrait se tenir cette importante réunion. Alors que déjà les conclavistes étaient déjà en lieu sûr au Djurdjura sous la protection de la compagnie « , se rappelait un autre moussebel (un militant civil).
32 000 soldats contre une poignée de maquisards…
Selon tous les témoins, ce fut à l’aube que les premiers accrochages étaient entendus avec des crépitements de balles successives dans plusieurs villages de la région. Dès que les combats furent rage, poursuit un autre intervenant, les dirigeants de la force coloniale qui ne s’attendaient pas à la résistance et l’expérience des Moudjahidines racés dans les embuscades buissonnières appelèrent du secours. Les témoignages font état du déploiement de 32 000 hommes armés jusqu’aux dents et de 32 avions de combat. En dépit de cette force impressionnante, soulignait un maquisard décédé, il n’y a pas longtemps, beaucoup de militaires étaient tués et de centaines de blessés transportés par hélicoptère à l’hôpital de Tizi-Ouzou. Des corps sans vie furent récupéres dans les oliveraies. Le fait saillant de cette bataille fut la capture du lieutenant Chassin, pilote d’avion de chasse, et du sinistre tortionnaire du lieutenant Grazziani, connu pour ses tortures inhumaines sur des femmes algériennes à l’exemple de Louisette Ighil Ahriz et bien d’autres. Les combats devinrent rage lorsque les dirigeants eurent appris que l’un de ces captifs fut tué. Les combats se sont poursuivis au corps à corps dans les buissons et sous les oliviers durant six jours. Même si des centaines de combattants de l’ ALN étaient tombés au champ d’honneur, l’armée française reconnut qu’elle avait subi un véritable affront en dépit de sa supériorité numérique en hommes et en moyens de guerre. Elle eut laissé des plumes à Ait Yahia Moussa.
L’armée coloniale humiliée !
Après cette défaite militaire cuisante sur le champ de bataille, les soldats changèrent de tactique. Ils lancèrent des tonnes de napalm sur les villages environnants. » Pour assouvir leur esprit de vengeance avec la perte des deux officiers et des dizaines de soldats, les dirigeants de cette bataille passèrent à la guerre de terre brûlée. Ils incendièrent des maisons, mirent pêle-mêle nos provisions, abattirent nos bêtes et renversèrent nos jarres d’huiles. Ils ruinèrent nos villages pour notre soutien indéfectible à l’armée de libération nationale », témoignait un nonagénaire montrant les traces du napalm sur son cou et sur tout son corps.
On parle de 282 Moudjahidines et de 109 civils. Les chiffres diffèrent d’un témoignage à un autre. Depuis cette mémorable bataille, toute la zone est classée rouge jusqu’à l’indépendance. Des camps militaires, des SAS et des postes militaires furent installés dans tous les villages de la région pour tout contrôler afin que rien ne puisse se passer comme ce qui eut lieu le 6 janvier 1959. Soixante six ans après cette héroïque bataille, chaque année, des centaines de personnes, de membres de la famille révolutionnaire et des responsables locaux viennent se recueillir à la mémoire des 394 valeureux chouhadas tombés au durant cette bataille dans ce carré des martyrs pour que personne ne les oublie. Ait Yahia Moussa a sacrifié plus d’un millier de chahids et un même nombre de Moudjahidines restés en vie après l’indépendance. Au lendemain du 5 juillet, elle fut la région où l’on avait recensé le plus grand nombre de veuves, de filles et d’enfants de chahids.