François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique, de l’environnement et un des rédacteurs du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), a évoqué, lors d’un entretien accordé au magazine audio de l’Organisation des Nation Unies, les risques et conséquences du réchauffement climatique.
Le monde ne sera plus jamais comme avant…
L’expert a fait savoir qu’une hausse de 1,5 degré, entrainera toute une série de variations de température qui vont amener d’énormes impacts. « Parmi les impacts qu’on peut citer de façon immédiate, il y a évidemment la multiplication des phénomènes extrêmes comme des sécheresses ou des précipitations très abondantes qui peuvent causer des inondations et qui vont devenir à la fois plus fréquents et plus intenses », prévient-il.
« Nous allons avoir des vagues de chaleur qui vont évidemment être aussi plus intenses et qui vont s’étaler sur de plus longues périodes. Et puis il y a toute une série d’impacts plus lents et plus progressifs, mais qui vont aussi avoir des conséquences très importantes. Je pense par exemple à la hausse du niveau de la mer ».
Nous allons avoir des vagues de chaleur qui vont évidemment être aussi plus intenses et qui vont s’étaler sur de plus longues périodes.
François Gemenne
Point de non-retour
L’experte a encore mis en garde contre ce que les scientifiques qualifient de « seuil de rupture » au-delà duquel le réchauffement climatique et ses conséquences risquent d’être irréversibles. « Nous avons identifié plusieurs seuils de rupture, qui sont donc des seuils d’élévation de la température au-delà desquels il pourrait y avoir un basculement littéralement du système climatique qui basculerait d’un état, je dirais, connu vers un état complètement inconnu et malheureusement irréversible. Ces seuils de rupture sont ceux où le climat basculerait, je dirais de façon irréversible et dramatique, dans un état complètement différent. Et le problème, c’est que beaucoup de ces seuils de rupture induiraient aussi ce qu’on appelle des boucles de rétroaction, c’est-à-dire des cercles vicieux dans lesquels le changement climatique s’entretiendrait par lui-même ».
Il faut agir…maintenant !
Selon le rapport du GIEC, des réductions profondes, rapides et prolongées des émissions conduiraient à un ralentissement visible du réchauffement mondial en environ deux décennies. Et pour M. Gemenne, tout le monde a pris conscience de la réalité du changement climatique, mais nous nous trouvons encore incapables d’agir de façon suffisamment radicale, suffisamment drastique que pour éviter ce danger. « Nous n’avons pas encore atteint le pic mondial des émissions de gaz à effet de serre. C’est dû au fait que les baisses d’émissions dans les pays industrialisés, pour le moment, ne sont pas encore suffisamment importantes, suffisamment rapides que pour ne pas être compensées par les hausses d’émissions dans les pays du Sud », déplore-t-il et de nuancer, en indiquant que beaucoup de bonnes choses ont été faites. « On n’est pas face à une crise, mais face à une transformation profonde. Ça veut dire qu’il n’y aura pas de retour à la normale, ça veut dire qu’il va falloir tenir dans la durée les mesures que nous allons prendre. Si nous voulons agir à la hauteur de ce qui est nécessaire, il va falloir que nous décidions nous-mêmes de ces mesures plutôt que de les subir. Il va falloir que nous choisissions ces mesures. C’est là le défi », a-t-il fait savoir. En outre, M. Gemenne considèreque le changement climatique n’est pas uniquement un problème d’environnement, mais le dépasse à des questions de migration, des questions de développement, de paix et de sécurité, et aussi des questions de droits de l’homme.
Pour une coopération efficace
Le rédacteur du rapport du GIEC, a salué l’accord qualifié d’historique signé lors de la COP27 à Sharm El-Sheik, en Égypte, tournant autour du financement des pertes et préjudices aux pays vulnérables durement touchés par les catastrophes climatiques. « Je pense que c’est une décision qui va dans la bonne voie, parce que d’une part, on constate la réalité de ces pertes et dommages liées au changement climatique et évidemment la responsabilité des pays industrialisés qui est première face à ces impacts », dira-t-il, tout en insistant sur la coopération entre l’ensemble des pays. « Si nous voulons avancer dans une coopération efficace sur la question du changement climatique, il faut absolument que nous parvenions à combler ce fossé entre les pays industrialisés et les pays du Sud, parce que nous n’allons pas résoudre le changement climatique en travaillant chacun de son côté sur ses propres émission ».
Une praxis collective s’impose
A la fin de l’entrevue, François Gemenne a comparé la période des grands défis que nous traversons d’état qu’on nomme en psychiatrie la praxis, c’est-à-dire entamer une activité en vue d’un résultat concrét « C’est vrai que beaucoup, parfois, comptent un peu sur la pédagogie de la catastrophe, en disant est-ce que finalement, nous allons devoir attendre des catastrophes terribles ? J’espère simplement que nous n’en arriverons pas là et que nous prendrons conscience qu’en réalité, ces catastrophes, elles sont déjà en cours. Nous devons absolument prendre conscience que nous sommes également concernés dans notre propre vulnérabilité et nous devons prendre conscience aussi qu’aujourd’hui, nous n’allons plus pouvoir éviter la catastrophe. Nous allons devoir gérer et gouverner cette catastrophe ».
Ouali. E
- Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 en vue de fournir des évaluations détaillées de l’état des connaissances scientifiques, techniques et socio-économiques sur les changements climatiques, leurs causes, leurs répercussions potentielles et les stratégies de parade